Pour vaincre la crise, mondialisons !
Le capitalisme et le libéralisme ne sont pas le problème, mais la solution pour sortir de l’ornière.
Longtemps les hommes ont vu un châtiment divin derrière chaque fléau. De nos jours, l’explication paraîtrait un peu courte pour décrire les causes de la pandémie. Et pourtant, l’idée de punition d’une humanité corrompue par une mondialisation débridée affleure dans les propos de nombreux commentateurs. Même le président de la République juge que la crise « va nous obliger à repenser » cette dernière, dans une interview qu’il a donnée le mois dernier au quotidien Financial Times.
Le diagnostic est erroné. L’urgence sanitaire n’a pas été causée par la mondialisation, mais par une épidémie dont des précédents existent depuis la plus haute Antiquité. Seule sa propagation a été accélérée par l’interconnexion de nos sociétés. Sa transformation en une crise économique gravissime, en revanche, résulte de la décision prise de manière souveraine par les États, chacun de leur côté et trop souvent sans coordination, de confiner leur population. Ils ont ainsi entravé la production et la consommation de biens et de services. Les suites sont dramatiques, non seulement dans le monde industrialisé, où le chômage explose, mais surtout dans les pays émergents, où les filets de sécurité sociaux sont rares ou inexistants. Quelque 2 milliards de personnes risquent de retomber dans la pauvreté extrême. En Afrique, la Banque mondiale a averti que 1 emploi sur 3 pourrait disparaître. Qui peut penser que cela n’aura pas d’impact sur l’Europe? Même les famines pointent leur visage sinistre. Selon l’ONU, « l’insécurité alimentaire aiguë » devrait toucher quelque 265 millions de personnes cette année, soit deux fois plus que l’an dernier.
Plusieurs décennies de progrès résultant de la mondialisation sont soudain effacées. Le monde après ce choc sera fort éloigné de la société frugale et proche de la nature que certains idéalisent. Il devrait plutôt être marqué par les faillites en chaîne, le chômage de masse, les dettes ingérables et le retour de l’inflation. Après l’alarme sanitaire, c’est l’urgence économique et sociale qu’il faudra déclarer. Cela reléguera les préoccupations climatiques et environnementales au second plan. Loin de faire partie du problème, la mondialisation est la solution. Le retour rapide d’une croissance robuste et inclusive peut nous aider à surmonter l’épreuve. Pour cela, il faut rétablir les flux de données, de capitaux, de services, de marchandises, de touristes et de travailleurs. Ces échanges, pour peu qu’ils soient bien régulés, forment l’armature de la mondialisation. On n’a rien trouvé de mieux que cette dernière pour sortir les populations de la pauvreté, répandre la prospérité, susciter l’innovation et le progrès social et, au bout du compte, améliorer nos conditions de vie. Les avancées technologiques indispensables pour décarboner l’économie et pour moderniser nos systèmes de santé ne pourront pas voir le jour sans une machine mondiale qui tourne bien. Si un vaccin a une chance d’être découvert dans les mois qui viennent, c’est parce que jamais autant de laboratoires à travers le monde n’auront collaboré.
La mondialisation est une mal-aimée. On pourrait y voir, à l’instar de ce que Churchill disait de la démocratie, « le pire système à l’exception de tous les autres ». Elle était déjà bien affaiblie avant que le virus vienne l’infecter. Pendant la décennie écoulée, elle a vacillé sous les coups de boutoir des protectionnistes, des souverainistes, des djihadistes, des localistes, des décroissants et des militants climatiques. La crise financière l’a minée. La guerre commerciale entre les États-Unis, et la Chine l’a fait reculer. Le Covid-19 plantera-t-il le dernier clou dans son cercueil ?
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Le monde après ce choc sera fort éloigné de la société frugale et proche de la nature que certains idéalisent.