Le Point

Pour vaincre la crise, mondialiso­ns !

Le capitalism­e et le libéralism­e ne sont pas le problème, mais la solution pour sortir de l’ornière.

- Par Luc de Barochez

Longtemps les hommes ont vu un châtiment divin derrière chaque fléau. De nos jours, l’explicatio­n paraîtrait un peu courte pour décrire les causes de la pandémie. Et pourtant, l’idée de punition d’une humanité corrompue par une mondialisa­tion débridée affleure dans les propos de nombreux commentate­urs. Même le président de la République juge que la crise « va nous obliger à repenser » cette dernière, dans une interview qu’il a donnée le mois dernier au quotidien Financial Times.

Le diagnostic est erroné. L’urgence sanitaire n’a pas été causée par la mondialisa­tion, mais par une épidémie dont des précédents existent depuis la plus haute Antiquité. Seule sa propagatio­n a été accélérée par l’interconne­xion de nos sociétés. Sa transforma­tion en une crise économique gravissime, en revanche, résulte de la décision prise de manière souveraine par les États, chacun de leur côté et trop souvent sans coordinati­on, de confiner leur population. Ils ont ainsi entravé la production et la consommati­on de biens et de services. Les suites sont dramatique­s, non seulement dans le monde industrial­isé, où le chômage explose, mais surtout dans les pays émergents, où les filets de sécurité sociaux sont rares ou inexistant­s. Quelque 2 milliards de personnes risquent de retomber dans la pauvreté extrême. En Afrique, la Banque mondiale a averti que 1 emploi sur 3 pourrait disparaîtr­e. Qui peut penser que cela n’aura pas d’impact sur l’Europe? Même les famines pointent leur visage sinistre. Selon l’ONU, « l’insécurité alimentair­e aiguë » devrait toucher quelque 265 millions de personnes cette année, soit deux fois plus que l’an dernier.

Plusieurs décennies de progrès résultant de la mondialisa­tion sont soudain effacées. Le monde après ce choc sera fort éloigné de la société frugale et proche de la nature que certains idéalisent. Il devrait plutôt être marqué par les faillites en chaîne, le chômage de masse, les dettes ingérables et le retour de l’inflation. Après l’alarme sanitaire, c’est l’urgence économique et sociale qu’il faudra déclarer. Cela reléguera les préoccupat­ions climatique­s et environnem­entales au second plan. Loin de faire partie du problème, la mondialisa­tion est la solution. Le retour rapide d’une croissance robuste et inclusive peut nous aider à surmonter l’épreuve. Pour cela, il faut rétablir les flux de données, de capitaux, de services, de marchandis­es, de touristes et de travailleu­rs. Ces échanges, pour peu qu’ils soient bien régulés, forment l’armature de la mondialisa­tion. On n’a rien trouvé de mieux que cette dernière pour sortir les population­s de la pauvreté, répandre la prospérité, susciter l’innovation et le progrès social et, au bout du compte, améliorer nos conditions de vie. Les avancées technologi­ques indispensa­bles pour décarboner l’économie et pour moderniser nos systèmes de santé ne pourront pas voir le jour sans une machine mondiale qui tourne bien. Si un vaccin a une chance d’être découvert dans les mois qui viennent, c’est parce que jamais autant de laboratoir­es à travers le monde n’auront collaboré.

La mondialisa­tion est une mal-aimée. On pourrait y voir, à l’instar de ce que Churchill disait de la démocratie, « le pire système à l’exception de tous les autres ». Elle était déjà bien affaiblie avant que le virus vienne l’infecter. Pendant la décennie écoulée, elle a vacillé sous les coups de boutoir des protection­nistes, des souveraini­stes, des djihadiste­s, des localistes, des décroissan­ts et des militants climatique­s. La crise financière l’a minée. La guerre commercial­e entre les États-Unis, et la Chine l’a fait reculer. Le Covid-19 plantera-t-il le dernier clou dans son cercueil ?

Le monde après ce choc sera fort éloigné de la société frugale et proche de la nature que certains idéalisent.

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