Les soldats du droit
Comment traverser la crise ? Gérer au mieux du chômage partiel et le report de charges ? Assurer la sécurité de ses salariés tout en reprenant l’activité ? Retrouvez sur Le Point.fr les conseils aux entreprises des meilleurs avocats de France.
auquel elle appartient. «Leur cash fond comme neige au soleil. » Le dossier EuropaCorp, la firme cofondée par le réalisateur Luc Besson, se complexifie, lui… Tout allait bien, tout le monde s’était accordé sur un plan de sortie, après un an de discussions. Sauf que la mise en oeuvre dépend d’un recours devant l’Autorité des marchés financiers et l’état d’urgence sanitaire gèle la situation. Jusqu’à quand ?
« Moi, je suis très en colère, je n’arrive pas à faire aboutir mes demandes de PGE. Quand j’en discute avec les banques, on remplit jamais les bonnes conditions, on a l’impression, d’ailleurs, qu’il y en a toujours plus… Il faut prouver que les problèmes sont liés au Covid, il faut prouver qu’on va rembourser l’argent, qu’on est dans les critères d’éligibilité, que Bruxelles ne pourra pas interpréter ce prêt comme une aide illégale de l’État… Bref, ils veulent une attestation du commissaire aux comptes, de l’avocat, des rapports d’experts sur les prévisions, sur l’état des lieux, il faut, il faut… J’apprends à ce moment-là que sur les 300 milliards de PGE promis, seuls 10 ont été distribués. Si on l’a calibré à 300 milliards, c’est qu’on estimait qu’il y avait un besoin de 300 milliards. Je me dis qu’on ne va jamais y arriver si les fonds ne sont pas déployés plus vite. »
Bercy organise une réunion virtuelle avec les banques pour leur expliquer le dispositif. Problème, la visioconférence est calibrée pour 100 personnes, et ils sont plus nombreux à vouloir y participer et ne pas pouvoir…
Le jour où il y a « craquage »
La semaine du 13 avril, les difficultés s’accumulent. La Halle est placée en sauvegarde; des accords sont bloqués ; quatre affaires lui explosent à la figure. « Il y a un craquage, des entreprises cherchent des solutions depuis des semaines et n’en trouvent pas. » Elle tente de blaguer avec un dirigeant. Elle doit le rassurer, lui dire que c’est le moins pire des dossiers qu’elle a à accompagner. « J’ai vu son visage s’éclairer sur mon écran. » Un sous-traitant du secteur aérien s’agace au téléphone, ne comprend pas pourquoi il n’a aucune aide, quand Air France se voit arroser de milliards par l’État. « Il faut que tous les maillons d’une chaîne avancent en même temps pour qu’un secteur s’en sorte. »
Trois anciens dossiers refont surface: 5 000 salariés, 4 000 salariés, 1 500 salariés… « Ils nous appellent toujours pour le PGE, ils nous disent que leurs banques rechignent un peu, demandent qu’on monte des réunions avec elles. Sur les trois pour lesquelles avant le Covid on était en phase de signature d’un protocole, il y a en deux qui sont toujours à chercher leur PGE. Il y a une rupture chez moi, je me projette sur les défaillances à venir et plus sur le PGE, dont j’ai compris que des sociétés seront exclues. Je me mets à rédiger des propositions pour améliorer l’accompagnement des entreprises qui vont déposer le bilan et les envoie à des décideurs. Il faudra aller vite pour perdre un minimum d’actifs humains et matériels et de valeur. »
Le jour où il faut penser la reprise
Le déconfinement approche, mais Hélène Bourbouloux ne voit pas la sortie de crise. « J’ai sous-estimé la lourdeur administrative… Le remboursement du chômage partiel, c’est quand même long. En plus, on n’a pas encore l’argent, les boîtes peuvent crever. » Dans son viseur, toujours le PGE. «Sur les 300 milliards promis, 50 ont été débloqués au bout de sept semaines de confinement. Je suis inquiète. Moi, j’en ai obtenu un seul pour une PME de 17 salariés et trois autres viennent d’être validés sur le principe mais l’argent est loin d’être décaissé. Je sais bien que les sociétés qui font l’objet de procédures ne sont pas les plus solides, mais il y a des contre-exemples dans la situation actuelle, comme Novares, qui a de beaux résultats et rien… » Cette société du secteur automobile a d’ailleurs dû être placée en redressement judiciaire. Le holding chapeaute un ensemble de 12 000 salariés. « C’est un dossier emblématique, c’est un groupe qui va bien, mais il doit trouver du cash pour fin mai afin de payer les salaires et les fournisseurs ainsi que relancer l’activité. Notre principal obstacle, c’est le temps. » Et les inconnus. « Quid de la consommation, quid de la fin des dispositifs d’aide au 1er juin, quid de la flexibilité des emplois?» Le pire est donc bien devant nous. « On ne sauvera pas tout le monde. Il faut préparer d’ores et déjà des consolidations tout en simplifiant nos procédures. Stop au zèle à la française ! »
« Des premières défaillances très importantes sont à attendre dès juin. Il y aura des restructurations sociales. »