« L’institution judiciaire accuse d’importantes failles technologiques », constate la plus haute magistrate de France, après deux mois de crise sanitaire.
La pandémie liée au nouveau coronavirus a placé l’État et l’ensemble de ses institutions dans une situation subite et inédite. L’institution judiciaire, qui joue un rôle central dans la régulation des rapports sociaux et la protection des droits des citoyens, s’est mobilisée pour trouver de nouveaux modes d’organisation permettant d’assurer la continuité de sa mission tout en préservant la santé de chacun.
Grâce au dévouement des personnels de greffe, des magistrats du siège et du parquet, des avocats, l’activité pénale et civile s’est poursuivie autant que possible au regard des contraintes nées de ce contexte.
Bien sûr, comme dans tous les pays frappés par le coronavirus, le traitement des affaires a été fortement ralenti : dans plusieurs tribunaux et cours d’appel de toute taille, une grande partie des contentieux civils, prud’homaux ou encore commerciaux n’a pas pu être examinée dans les délais habituels. Il a fallu du temps pour organiser les services. Pour combler ce retard, il en faudra encore, et aussi beaucoup d’inventivité et d’énergie.
En raison de son statut – cour suprême judiciaire – et de son rôle spécifique – s’assurer que l’interprétation des textes de loi est harmonisée sur l’ensemble du territoire de la République –, la situation de la Cour de cassation est différente de celle des juridictions du fond. L’urgence qui a pu présider au choix de maintenir ou non certaines activités en présentiel s’est manifestée de manière moins prégnante, d’autant que la procédure y est entièrement dématérialisée en matière civile.
Il était cependant essentiel de maintenir les audiences de la chambre criminelle traitant de pourvois urgents mettant en jeu les libertés individuelles. En cette période, il est crucial que la Cour assure sa mission de régulation.
Ainsi, la Cour de cassation sera très prochainement amenée à examiner plusieurs questions en matière pénale comme en matière sociale liées à la crise, telles que l’allongement des durées maximales de détention provisoire, la création de sanctions pénales en cas de non-respect des mesures de confinement ou encore le respect des règles du droit du travail.
Alors que nous entrons dans une nouvelle phase de la crise, il nous appartient de prendre les dispositions indispensables à une reprise d’activité. Il est essentiel, pour toutes les juridictions de France, de reprendre dès que possible le cours régulier de la justice et de réorganiser des audiences – qui sont le coeur de la mission de la justice – dans le respect des règles sanitaires, afin que chacun retrouve sa place. La concertation avec l’ensemble des acteurs de justice sera la clé de l’efficacité de cette reprise.
Cette crise a confirmé que l’institution judiciaire accuse d’importantes failles technologiques qui ont limité sa réactivité. La dématérialisation doit devenir une réalité pour toutes les juridictions. Au-delà, c’est toute la transformation numérique et nos modes d’organisation qui doivent être repensés sans délai afin de trouver des solutions pérennes pour garantir l’accès au juge et un débat judiciaire de qualité dans l’éventualité d’une nouvelle crise.
Il faut développer de nouvelles voies de règlement des litiges, tels les modes amiables (médiation, conciliation, procédure participative, droit collaboratif), que de nombreux acteurs judiciaires appellent de leurs voeux et qui permettent aux parties d’être actrices de leur affaire dans la recherche d’une solution négociée.
Cette crise ne peut être pour la justice une occasion manquée. Elle doit lui permettre de montrer son adaptabilité. C’est à cette condition qu’elle remplira pleinement sa mission : garantir l’État de droit dans une société démocratique et favoriser la paix sociale
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