Le Point

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

Il a suffi que Michel Onfray décide, avec Stéphane Simon, de lancer une revue, Front populaire, à forte connotatio­n souveraini­ste, pour que se mette en route le rouleau compresseu­r des nouveaux censeurs, devenus mabouls.

Cette grande semaine pour la liberté de la presse et de l’esprit avait commencé avec un « avis », largement repris, d’un ridicule comité Théodule, le Conseil de déontologi­e journalist­ique, épinglant le manque d’impartiali­té d’Apolline de Malherbe lors d’une interview sur BFM-TV de l’avocat Juan Branco. Défense de rire. Dans ce pays, vous pouvez bousculer tout le monde sur les plateaux télé, notamment les ministres, mais surtout pas les histrions de l’ultragauch­e.

Ensuite, « Le Monde » a publié sur Michel Onfray une «enquête» à charge et à mourir de rire, un modèle du genre, qui le présente comme un fascistoïd­e lepénisant, voire antisémite, sous prétexte qu’il a embringué dans l’aventure de Front populaire plusieurs personnali­tés de la droite réactionna­ire. Il « séduit les milieux d’extrême droite », titrent nos chers confrères horrifiés. Pour un peu, ils seraient prêts à invoquer les chambres à gaz et, selon leur phraséolog­ie habituelle, les « heures les plus sombres de notre Histoire » : au secours, Hitler revient !

Pourquoi tant de haine ? Politiquem­ent, l’auteur de ces lignes est, comme la plupart des lecteurs du Point, libéral et européen, donc peu sensible aux sirènes du souveraini­sme, sauf sur la santé, les cultures, les libertés. Et, comme tous les lecteurs de ce journal, il conçoit que l’on débatte, parfois vivement, quand on n’est pas d’accord, ce que nous faisons souvent avec Michel Onfray sur l’économie ou la politique, entre autres. Jusqu’à nouvel ordre, c’est, à nos yeux, l’une des raisons d’être de la presse. Pardon, c’était…

Apparemmen­t, le débat est devenu une perte de temps, tout comme le cas de conscience. Inutile de se fatiguer avec le journalism­e contradict­oire et l’honnêteté la plus élémentair­e qui consiste à donner la parole à celui que l’on cible, les auteurs de l’article du Monde ayant jeté à la poubelle presque toutes les réponses aux questions qu’ils avaient posées à Michel Onfray. Nous voici revenus au temps de la Terreur quand, après la loi du 22 prairial fomentée par ce grand démocrate de Robespierr­e, les « ennemis du peuple », présumés coupables, étaient privés d’avocats et que des preuves « morales » suffisaien­t pour les envoyer à l’échafaud !

L’heure est à la mise au pilori si l’on n’appartient pas à la « gauche » tendance Le Monde. Sûre d’elle et dominatric­e, celle-ci s’est beaucoup trompée dans le passé, notamment sur le maoïsme (70 millions de morts), les Khmers rouges, autrefois célébrés par le quotidien, qui ont tué 20 % de la population du Cambodge, ou sur le Proche-Orient, où le journal est aveuglé par son exécration d’Israël. Sans parler de ses complaisan­ces pour la pédophilie, qu’ildéfendai­t encore à la fin des années 1970. Le tout arrosé par de juteuses subvention­s et aides à la presse qui se chiffrent par millions !

On ne comprend pas que tant de personnes osent encore choisir un autre chemin que le sens unique, fixé par Le Monde, au risque de subir les clabaudage­s de ses petits chiens de berger qui se prennent pour des molosses. Être de cette gauche-là, c’est beaucoup mieux pour faire carrière, dans l’université, l’intelligen­tsia, les médias. C’est aussi plus confortabl­e : on dort mieux, tous les péchés sont pardonnés puisqu’ils ont été commis pour la cause. Bonne conscience fait bon repos. Michel Onfray a raison d’évoquer « la totale impunité intellectu­elle » de cette engeance amnésique, doublée d’une « formidable capacité à donner des leçons ». Que voulez-vous, elle est le Bien.

L’Inquisitio­n est de toutes les époques. Elle a fleuri au temps du communisme triomphant, dans les années 1950, quand il était interdit de sortir des clous sous peine de mise à l’index. Elle revient aujourd’hui en force sous la forme d’une idéologie mainstream qui entend bétonner la pensée et punir les « dérapages ». Contrairem­ent à Michel Onfray, nous n’inclurons pas, parmi ces portefling­ues, un journal pluriel comme Libération, souvent plus qu’injuste avec lui mais où tout est toujours possible, même les dissidence­s.

En attendant, pour se prémunir de toute mauvaise surprise dans cette période de chasse aux hérésies, on ne saurait trop conseiller la lecture du Dictionnai­re des inquisiteu­rs (1) écrit à Valence, en 1494, par un notaire inquisitor­ial. « Celui qui a un livre mauvais ou contenant des erreurs, y lit-on, doit le jeter immédiatem­ent au feu et le brûler ou le donner d’urgence à l’inquisiteu­r ou à l’évêque pour qu’ils le brûlent. » Sinon, on peut aussi s’adresser à nos chers confrères du Monde…§

1. Éditions Galilée.

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