#MeToo, le tournant Biden
Tara Reade, qui accuse le candidat démocrate de viol, ne trouve pas grand monde pour la soutenir. Le leitmotiv de l’affabulatrice foldingue est revenu au galop.
Apriori, le scénario était tellement bien huilé qu’il aurait dû couler comme de l’eau de roche. Fin mars, un homme puissant – Joe Biden, ancien vice-président des États-Unis et candidat démocrate à la prochaine présidentielle américaine– se faisait accuser de viol par une femme qui l’est beaucoup moins – Tara Reade, une ancienne assistante parlementaire. Les faits (une pénétration digitale), accompagnés de propos méprisants (« Tu n’es rien pour moi ! »), se seraient déroulés dans un couloir du Capitole à Washington, au début des années 1990. Reade, qui se dit aujourd’hui « anéantie », a porté plainte en bonne et due forme contre son agresseur présumé et l’exhorte à faire une croix sur ses ambitions électives.
Dans la routine du monde d’après #MeToo, non seulement on aurait pu s’attendre à ce que son voeu soit exaucé – depuis 2017, d’autres vies ont déraillé pour largement moins que ça – mais aussi à voir un cercle de soutiens et de commisération affluer en rangs serrés autour d’elle. Sans compter que Biden, loin d’être un perdreau de l’année au niveau des « comportements inappropriés », se traîne un paquet de casseroles au croupion : dès que des cheveux ou des épaules de femme et même d’adolescente passent à sa portée, un impérieux besoin de les renifler et de les caresser semble le mouvoir, manie documentée par des montages vidéo et des témoignages relayés par voie de presse, déplorant le malaise que la fréquentation, même fugace, du bonhomme peut susciter.
Sauf qu’en lieu et place de la grande parade pour exorciser la « masculinité toxique » et expier des millénaires d’« oppression systémique » –qu’importe que des broutilles comme l’État de droit soient piétinées dans la manoeuvre –, c’est le bon vieux canevas de la foldingue affabulatrice aux intentions louches qui a pris le dessus… exactement dans les mêmes bouches et sous les mêmes doigts de ceux qui, il y a encore deux ans, faisaient les gros yeux si jamais on fronçait les sourcils à l’idée d’assimiler accusation et condamnation. La cause était si juste et bonne, que pouvait-il arriver de mal ?
Le retournement de veste le plus spectaculaire est probablement celui de Katha Pollitt, féministe patentée et chroniqueuse pour le vénérable hebdomadaire progressiste The Nation. En février 2018, elle expliquait que le « changement social » n’était pas une promenade de santé et qu’il ne fallait dès lors pas pleurer sur le sort de types sommés par leurs employeurs de faire leurs cartons au moindre soupçon de geste ou de propos attentatoires à la dignité de leurs collaboratrices. Impossible, selon elle, de concocter de nouvelles normes augmentant la liberté des femmes à vivre et travailler avec moins de risques d’agression sexuelle sans ternir quelques honnêtes hommes au passage. Soit la bonne vieille antienne de l’omelette qui ne se fait pas sans casser des oeufs, serinée dès qu’une révolution anémiée a besoin d’un peu de terreur et de vertu pour reprendre des couleurs.
Mais le 20 mai 2020, Pollitt a refait toute la cuisine. Elle annonce qu’elle votera pour Biden « même s’il a mis des bébés dans la marmite avant de les manger » et justifie son appel à serrer les dents pour empêcher un second mandat de Trump, en détaillant par le menu pourquoi les allégations de Tara Reade lui semblent une mascarade : elle a changé de version à plusieurs reprises, a écrit un article à la gloire de Vladimir Poutine, a moult fois tweeté son soutien à Joe Biden et, si elle a pu vaguement se plaindre de harcèlement sexuel depuis des ■
Le retournement de veste le plus spectaculaire est probablement celui de Katha Pollitt, féministe patentée.