Le Point

CONFINEMEN­T AU CARRÉ

- MARINE DE TILLY

Journal. Un poste de consultant dans une belle boîte française, un appartemen­t à Paris, un amoureux, des projets… À part la grève des transports, 2019 s’était bien terminé pour Bingtao Cheng. Le 17 janvier 2020, sa valise pleine de cadeaux pour ses soeurs et de « sous-vêtements thermiques de chez Décathlon » pour ses parents, le trentenair­e embarque pour Wuhan, sa ville natale. Une fois là-bas, l’excitation des premières heures est vite assombrie par les drôles de nouvelles qui fusent sur les réseaux. Un nouveau virus serait transmissi­ble d’homme à homme. Le 20 janvier, Bingtao ne sort plus sans masque. Dans la province, le virus prolifère, faisant de nombreuses victimes. Et puis la sentence tombe le 24, elle fait l’effet d’une bombe: à compter de ce jour, plus personne ne sortira de chez lui ou de la ville. Les vols sont annulés, le consultant ne sera pas au bureau le 4 février au matin. En France, trois premiers cas sont déclarés, «dont deux touristes chinois ayant séjourné ici, à Wuhan », mais on parle encore de « grippette ». Le jeune homme raconte le froid, la dureté de la vie et des contrainte­s en Chine. « On avait basculé dans un épisode de Resident Evil version chinoise », se souvient Bingtao.

Le 15 mars, après six semaines d’angoisse, et alors que dans son pays d’adoption Macron déclare l’«état de guerre» et annonce le début du confinemen­t, Bingtao apprend que les habitants de Wuhan ont de nouveau le droit de sortir, un peu. Le 20 mars à 00h05, au prix d’un voyage rocamboles­que, il décolle de Shanghai pour Paris. De retour « chez lui », il se confine à la chinoise, c’est-à-dire de façon draconienn­e, pas du tout à la manière française. Pour Bingtao, c’est le choc, encore. « Les gens sortent plusieurs fois par semaine, on fait soi-même son autorisati­on et ils disent même que les masques sont inutiles ! Sont-ils fous ? Je n’y comprends rien. Je ris. Je ne juge pas. Les gens font leur choix. » C’est l’histoire d’un virus et de deux gestions diamétrale­ment opposées : l’une, chinoise, où le collectif prime sur l’individu et l’autre, française, où c’est l’inverse. Le journal d’un confinemen­t au carré

Wuhan confidenti­el. D’un confinemen­t à un autre, de Bingtao Cheng, avec Stéphanie Thomas (Flammarion, 90 p., 3,99 € en version numérique. À paraître le 2 septembre en version papier et augmentée).

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Bingtao Cheng est passé d’un confinemen­t à l’autre, de Wuhan à Paris.

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