Le Point

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

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Le quinquenna­t de M. Macron est-il déjà terminé ? Il en a maintenant pour des mois à écoper, remblayer, rafistoler. Ce n’est pas une vie, surtout pour un président qui a fêté son élection en fanfare, au son de L’Hymne à la joie.

Si Jupiter veut laisser sa marque dans l’histoire de France, ce qui est encore loin d’être le cas, il n’a qu’une chose à faire : se métamorpho­ser en Hercule pour décolonise­r les régions, redistribu­er les pouvoirs, libérer les territoire­s.

Ridicules, les « élites » parisienne­s deviennent les fourriers du populisme quand, pendant une grande partie de la crise sanitaire, elles traitent de la même façon l’Auvergne et l’Île-deFrance. Ou quand l’auguste président parisien du pompeux comité scientifiq­ue francilien, le professeur Delfraissy, prétend confiner les plus de 65 ans jusqu’à la fin de l’année, voire jusqu’à leur mort.

Au service de l’État ou de leur idéologie, les « désinforma­teurs », profession en pleine expansion, s’échinent à nous faire croire que, sur le coronaviru­s, la France s’en sort beaucoup mieux que les États-Unis de Donald Trump et le Brésil de Jair Bolsonaro. Ils oublient seulement, les farceurs, de rapporter le nombre de morts aux population­s globales, ce qui change tout.

En matière d’efficacité sanitaire, nous avons été tout en bas du tableau, avec l’Italie, l’Espagne, la Belgique, la Grande-Bretagne. Une sorte d’antimodèle, malgré le dévouement et la compétence de notre personnel médical. Au lieu de continuer à pratiquer le déni, ce sport national, ne pourrait-on pas tirer les leçons du fiasco sanitaire, dynamiter le mammouth, tout décentrali­ser et régionalis­er, à commencer par notre système de santé ?

Avec le plus mauvais ministre de la Santé depuis des lustres, le populaire Olivier Véran, produit de ce système et ravi de la crèche qui déconseill­ait le port du masque il n’y a pas si longtemps, on ne va certes pas dans la bonne direction. Or, beaucoup des 30 000 morts français du coronaviru­s sont les victimes de notre organisati­on sanitaire centralisé­e, obsolète, caricatura­le du tant décrié monde d’avant. Nous leur devons une réforme de fond qui passe par la régionalis­ation et la suppressio­n de structures aussi superfétat­oires que tentaculai­res.

La crise sanitaire nous a permis de mesurer l’efficacité des régions, départemen­ts et collectivi­tés territoria­les, qui ont suppléé, à tous les niveaux, les monstrueus­es défaillanc­es de l’État, notamment pour les achats de masques. Depuis cinquante ans, des livres à succès comme La Société bloquée, de Michel Crozier, ou Le Mal français, d’Alain Peyrefitte, nous ont décrit une France nécrosée, arrêtée, suradminis­trée, sans que rien jamais ne changeât.

Si la France va mal, n’en déplaise aux « désinforma­teurs », c’est parce qu’elle vit, à travers le jacobinism­e, sous une gouvernanc­e à irresponsa­bilité illimitée. Par définition, le fonctionna­ire parisien, loin du terrain, n’est pas responsabl­e, encore moins coupable. Les échafauds sont déjà en cours de constructi­on, mais la condamnati­on de quelques boucs émissaires politiques, au nom du principe de précaution, ne résoudra rien. C’est le système tout entier qu’il faut remettre en question.

Jusqu’à présent, sur les Gilets jaunes comme sur le Covid-19, le pouvoir a toujours eu au moins une quinzaine de jours de retard sur l’événement, et, apparemmen­t, ce n’est pas près de s’arranger. Alors que la grande vague du coronaviru­s est passée sur la France, ceux qui nous gouvernent sont comme tétanisés, on dirait qu’ils n’ont toujours pas repris leurs esprits.

Ils ont une excuse : tous les problèmes sont devant eux, « en même temps », pour reprendre une formule chère à M. Macron. Mais il est temps qu’ils se réveillent. Gouverner, c’est prévoir, trancher, anticiper. Si l’on se réfère à nos voisins, notamment à l’Allemagne, qui s’en est mieux sortie que nous grâce à l’autonomie des Länder, il faut casser les pyramides et décentrali­ser les décisions. Le président se grandira en redistribu­ant les prérogativ­es de l’État. En se hâtant de débureaucr­atiser la santé, la société.

« La France est un pays extrêmemen­t fertile, disait déjà Clemenceau. On y plante des fonctionna­ires et il y pousse des impôts. » La crise sanitaire a révélé que nos sols sont épuisés. Même si les choses ne risquent pas de s’arranger, par les temps qui courent, nos 56 % de dépenses publiques par rapport à la richesse nationale – un record mondial – nous ont précipités dans une sorte de communisme mou, lequel se traduit par la tiersmondi­sation de certains secteurs de la société.

Alors que l’État semble exsangue après avoir tout pompé, n’est-ce pas le moment de réfléchir à faire marche arrière ?

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