Le Point

Retraite : l’État pourra-t-il toujours payer ?

- PAGE RÉALISÉE PAR LAURENCE ALLARD

La crise du Covid-19 n’a pas seulement pour conséquenc­e de reporter aux calendes grecques la réforme des retraites, elle rend caduques les hypothèses de croissance qui sous-tendent l’équilibre de nos régimes. Une nouvelle d’autant plus inquiétant­e que l’étude des 70 systèmes de retraite existant dans le monde, réalisée par le groupe Allianz avant la crise, mettait déjà en lumière la faiblesse de nos régimes. Hausse du taux de dépendance des personnes âgées, situation des finances publiques contrainte… la France se classe 51e sur 70 en matière de viabilité financière et de capacité à maintenir le niveau de vie du retraité proche de celui d’un actif. La palme revient à la Suède, suivie de la Belgique et du Danemark.

« Le problème des retraites n’est pas nouveau, déclare Michaela Grimm, autrice du rapport. Mais la crise du coronaviru­s et son lot de nouvelles dettes changent la donne. Une des conséquenc­es de la crise sera certaineme­nt que nous devrons redoubler d’efforts pour réformer nos systèmes de retraite. Le peu qui restait de marge de manoeuvre budgétaire s’est envolé. » Sauf que la réforme votée en première lecture à l’Assemblée semble bien enterrée, Emmanuel Macron ayant lui-même reconnu qu’elle n’était plus d’actualité.

Avec la crise, les déficits risquent toutefois de s’aggraver. Du fait du confinemen­t, les caisses des régimes publics se sont vidées. Les reports de cotisation­s sociales, pis les annulation­s – cela concerne environ 40 % de leur montant – et la mise au chômage partiel de près 12 millions de salariés – dont les cotisation­s devraient être prises en charge par l’État, selon les promesses de Muriel Pénicaud – ont généré une baisse des recettes alors que les versements de pensions restaient identiques (7 milliards d’euros). Un milliard d’euros manquerait à l’appel pour les régimes complément­aires AgircArrco, qui devront puiser dans leurs réserves (évaluées à 65 milliards d’euros) pour verser les pensions de juin et de juillet. Mais ces réserves sont aujourd’hui placées en actions ou obligation­s. Pour ne pas avoir à vendre ces titres dans de mauvaises conditions compte tenu de la baisse des marchés financiers, leurs dirigeants aimeraient bénéficier d’une avance de 8 milliards d’euros de la part de l’État. Le problème est encore plus marqué dans les caisses de retraite des profession­s libérales ou des indépendan­ts.

Les déficits que le Conseil d’orientatio­n des retraites (COR) évaluait avant la crise à 12 milliards d’euros à horizon cinq ans en se fondant sur des hypothèses de croissance plutôt optimistes devraient s’envoler compte tenu de la récession. La baisse de 11 % du PIB attendue en 2020 se traduira en effet par de moindres rentrées de cotisation­s. Une décroissan­ce de 8 à 10 % en 2020 devrait, selon les calculs de la Cnav, provoquer une baisse d’au moins 5 % des cotisation­s. Après avoir tangenté l’équilibre, cette dernière risque donc de replonger dans le rouge à hauteur de 5 milliards d’euros. L’ampleur du trou obligera-telle le président à réenvisage­r, à son corps défendant, une énième réforme avant la fin du quinquenna­t ? Un cassetête ! Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, à ces difficulté­s rencontrée­s par les gestionnai­res des régimes publics se greffe la baisse de rendement des retraites par capitalisa­tion sous pression en raison de la faiblesse des taux d’intérêt et la baisse des marchés financiers. Mais que les retraités se rassurent : quelle que soit la décision de financemen­t prise, les pensions continuero­nt à être versées

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