Une carrière à toute épreuve
● 77 ans
● Membre de la CDU depuis cinquante-cinq ans.
● Élu au Bundestag depuis quarante-sept ans. Jamais, dans l’histoire parlementaire allemande, un député n’avait siégé aussi longtemps.
● Treizième législature consécutive pour la circonscription d’Offenbourg dans le Bade-Wurtemberg.
d’agir quand il le faut. L’effondrement de l’économie ■ mondiale a montré combien il est vital que les pays européens agissent de concert s’ils veulent sortir de cette crise. L’Europe doit maintenant accroître son rôle et tendre en particulier vers une plus grande intégration politique, vers une Europe plus solidaire, plus souveraine et plus rapide dans ses réactions. Je crois que, grâce à ce qui vient de nous arriver, les gens en ont pris conscience. C’est une grande chance.
Comment l’Europe peut-elle accroître son influence dans les mois à venir, qui risquent de s’avérer si difficiles?
Si le Conseil européen parvient à se mettre d’accord rapidement sur une initiative forte pour accélérer la restructuration de l’économie européenne et si, par la même occasion, nous profitons de cette crise structurelle pour corriger les fautes que nous avons commises par le passé, pour moderniser l’infrastructure, développer les technologies d’information et de communication, reconsidérer les secteurs de la pharmacie, de la médecine, de la biologie, de la chimie, si l’Europe parvient à être plus compétitive dans toutes les technologies d’avenir et tout particulièrement en ce qui concerne le numérique et Internet, alors l’Europe pourra se moderniser et progresser. Nous sommes innovateurs, mais nous ne sommes pas parvenus jusqu’à présent à développer de grandes entreprises européennes capables de tenir tête aux global players américains et chinois. Là aussi, nous avons des progrès à faire. Il y a deux semaines, nous avons publié, mon collègue français Richard Ferrand et moi-même, une déclaration qui va dans ce sens. Nous devons profiter de cette crise pour promouvoir l’innovation en Europe, la durabilité et la protection du climat. Si terrible que soit cette crise, nous devons nous en servir pour nous projeter vers l’avenir.
Pendant des années, la chancelière et vousmême vous êtes opposés à un endettement de l’Europe. Or le plan de relance franco-allemand sera financé par la dette contractée par l’Union européenne. Comment expliquez-vous cette «révolution» côté allemand?
Nous n’avons jamais été opposés à un endettement si la situation le nécessite. Pendant les années où j’étais ministre des Finances, et après avoir traversé une très grave crise économique et financière, nous avons appliqué une politique conforme à la doctrine keynésienne : durant la crise, nous nous sommes fortement endettés, mais, une fois celle-ci jugulée, nous avons, conformément aux recommandations de Keynes, réduit la dette. C’est la raison pour laquelle nous avons aujourd’hui – et mon successeur en profite – une marge de manoeuvre financière que d’autres pays nous envient. En ce qui concerne l’Europe, il faut différencier. Nous sommes convaincus qu’il ne serait pas juste que ceux qui prennent les décisions économiques et politiques n’en portent pas la responsabilité.
politique du président Macron est la bonne. Nous devons tous être capables de nous réformer dans ce monde qui change si rapidement. Mais ce n’est pas au président du Parlement allemand de commenter la politique intérieure française. Une chose est sûre : nous avons besoin d’une France forte.
Comment expliquez-vous la popularité phénoménale d’Angela Merkel?
La chancelière a de grandes qualités : elle garde son calme en toutes circonstances, elle n’est absolument pas arrogante, elle sait diriger. Au cours de cette crise, les gens ont réalisé combien il est important d’avoir une chancelière maîtresse d’elle-même qui ne recourt pas aux grands gestes dramatiques, mais sait gérer la complexité du fédéralisme allemand. N’oublions pas pourtant que les sondages d’opinion sont très volatiles. Angela Merkel en est consciente et, pour Emmanuel Macron, c’est peut-être une consolation.
Si la récession s’installe à l’automne, les populistes eurosceptiques de l’AfD ne risquent-ils pas d’en profiter?
Le Front national existe déjà depuis plus de quarante ans. Au cours des semaines de pandémie, l’AfD est apparu nettement en baisse dans tous les sondages. Une grande majorité des Allemands n’adhère pas à ses idées, et notre démocratie reste stable. J’observe par contre avec inquiétude l’évolution de la situation politique en Italie.
A-t-on trop protégé la vie humaine au détriment de l’économie, dans cette pandémie?
Le fait que nous ne sachions jamais quelles seront les conséquences des décisions que nous prenons, c’est cela la base de la liberté. Ce virus nous a catapultés dans une situation totalement inédite. Les dirigeants politiques ont été forcés de réagir tout en sachant que les décisions qu’ils prenaient n’étaient peut-être pas les bonnes. Mais ne pas agir aurait à coup sûr été une erreur. De toutes parts, on nous répétait que la protection de la vie et de la santé avait la priorité sur tout le reste. Je me suis permis de faire remarquer que ce n’est pas exact. On ne peut pas protéger la vie humaine de façon aussi absolue, sinon il faudrait interdire aux gens de naître. Ne pas naître, c’est la seule façon de se protéger de la mort. Les mesures que nous avons mises en place auront sans doute empêché que quelques personnes ne s’infectent, mais elles auront aussi peut-être eu pour effet que d’autres meurent de faim, que dans les familles qui vivent dans un espace confiné on ait assisté à une montée de la violence, à des dépressions, à une hausse des suicides… Tout cela, on ne le sait pas à l’avance. Il faut toujours peser le pour et le contre, examiner tous les arguments avant de prendre une décision, tout en sachant qu’il n’y a pas de vérité absolue.
Y a-t-il eu un moment où vous avez eu peur?
On n’a pas le droit d’avoir peur. Mais j’ai souvent pensé que c’était une bonne chose que je ne sois plus au gouvernement
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