Comment cette petite agglomération de la Loire affronte l’après-Covid.
Il déboule en T-shirt blanc et bermuda kaki dans l’immense cuisine aux baies vitrées qui s’ouvre sur la campagne roannaise. « Le bermuda, c’est ça, le monde d’après », s’esclaffe Michel Troisgros, 62 ans, qui officie en temps normal dans un tablier impeccable. Le chef dirige avec son fils César la célèbre maison Le Bois sans feuilles qui arbore 3 étoiles au Michelin. Le compte à rebours a commencé. Le restaurant rouvre ce 12 juin. Quelques employés trient les mousserons, de petits champignons. D’autres taillent et désherbent le jardin. Spacieuse, la salle à manger qui tourne autour du chêne centenaire accueille désormais 55 couverts. Soit dix de moins qu’habituellement, pour respecter les gestes barrières. Autre établissement Troisgros, la brasserie Le Central, en face de la gare de Roanne, a repris jeudi 4 juin pour le service de midi. « On a fait une trentaine de couverts, c’est pas mal », annonce Patrice, le gérant. Le confinement ? «On a subi sans moufter. La trésorerie a pris un choc. Mais on va s’en sortir », assure Michel Troisgros.
Signe que les difficultés commencent, le greffe du tribunal de commerce indique avoir reçu des demandes de conciliation pour trois sociétés. Elles emploient un total de 384 salariés qui pourraient voir leurs postes menacés. « Les gros problèmes arriveront au second semestre, quand les entreprises devront rembourser les prêts et leurs charges », estime Georges Dubesset, président de la chambre de métiers et de l’artisanat de la Loire. Selon lui, la filière de l’apprentissage est « très touchée ». Souvent formés dans l’hôtellerie, la restauration ou le commerce, les jeunes Roannais risquent d’arriver sur un marché du travail hostile. De quoi craindre une génération Covid-19 sacrifiée. « J’ai peur qu’on revive 2008, mais avec encore plus de morts économiques », conclut Georges Dubesset. À la délégation roannaise de la chambre du commerce et de l’industrie, Christophe Sangalli note : « Heureusement que nous étions dans une période faste. L’enjeu ici, comme partout en France, c’est qu’il y ait le moins de dépôts de bilan, donc le moins de casse sociale. » Assise à ses côtés, Sylvie Kergonou, patronne de Sorofi, un grossiste spécialisé dans le chauffage, la plomberie et le carrelage, affiche son optimisme : « Roanne est habituée à renaître de ses cendres. C’est dans l’ADN des entrepreneurs du coin de savoir survivre. »