Le Point

John Grisham

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Si bien que le credo de Grisham passe le plus souvent par une métaphore : David contre Goliath. On l’a vu défendre le faible face aux multinatio­nales qui abrasent le sommet des Appalaches, soutenir les Indiens natifs contre la mafia des casinos. Grisham, justicier à la plume, pourfend le crime, sans relâche, dans l’Amérique contempora­ine.

Fait nouveau, ce dernier roman, La Sentence, se déroule en 1946. Pete Banning, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale revenu chez lui, abat de sang-froid le révérend Dexter Bell, unanimemen­t apprécié par la communauté. Pete dépose son arme, se laisse arrêter, emprisonne­r, refuse d’expliquer son geste autrement que par un « je n’ai rien à dire » aussi incompréhe­nsible que le « je préférerai­s ne pas » du Bartelby de Melville. Le suspense du roman tient tout entier dans ce refus, et la réponse ne viendra qu’en pénétrant le passé de Pete, son amour et ses blessures de guerre. La guerre – la narration quitte le territoire américain pour les Philippine­s –, où l’on revit avec Pete une opération militaire d’une injustice dramatique. Grisham s’aventure pour la première fois dans le passé de l’Amérique, comme pour éclairer le présent. Et il le fait dans l’État du Mississipp­i, pro-Trump. Là où l’auteur de 65 ans a grandi et a commencé à exercer le droit. Là où son tout premier roman se déroulait également, dans la ville de Canton. Grisham revient sur le thème du racisme, déjà abordé notamment dans L’Allée du sycomore (Le Livre de poche). Ici, en 1946, dans le comté de Ford, on n’a pas connu de meurtre de Blanc depuis dix ans. Et cette fois, c’est un Blanc qui tue un Blanc… Impensable ? Impossible, surtout, de lire le roman de Grisham sans songer aux tensions raciales qui ont conduit à la mort de George Floyd. Impossible, enfin, de lire les deux mastodonte­s de l’été sans y voir les juges de leurs deux nations, la Grande-Bretagne arrogante de « BoJo » pour le Carré, l’Amérique raciste de Trump, par ricochet, pour Grisham

Né le 8 février 1955 32 romans parus 40 traduction­s 300 millions de livres vendus dans le monde

9 adaptation­s cinématogr­aphiques

Retour de service, de John le Carré, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Isabelle Perrin (Seuil, 304 p., 22 €).

La Sentence, de John Grisham, traduit de l’anglais (États-Unis) par Dominique Defert (JC Lattès, 500 p., 22,90 €).

Les traumas de l’Amérique selon Grisham

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