Le Point

Et si on applaudiss­ait aussi les banques ?

Pendant la pandémie, elles ont rempli leur mission. Et même plus. En distribuan­t les prêts garantis par l’État, elles s’exposent aux faillites attendues.

- Par Nicolas Baverez

En 2008, la faillite du système bancaire créa un effondreme­nt du crédit et provoqua un risque de déflation mondiale. Il ne fut conjuré que par un plan de sauvetage planétaire qui mobilisa plus de 5 000 milliards de dollars et par un programme de relance qui creusa la dette publique des pays développés à hauteur d’environ 20 % de leur PIB. Le krach bancaire créa alors une crise des risques souverains qui manqua de faire éclater la zone euro.

Moins de douze ans plus tard, les pays développés se trouvent à nouveau contraints d’engager 20 % de leur richesse sous forme de dette publique pour éviter l’écroulemen­t de leurs économies. Mais la situation est inversée. Ce sont les pouvoirs publics qui, en décidant de confiner plus de la moitié de la population mondiale pour enrayer l’épidémie de Covid-19, ont créé la récession la plus brutale depuis les années 1930. Les banques, qui étaient le problème en 2008, sont du côté des solutions en 2020. Elles ont contribué à éviter la dislocatio­n de l’économie et de la société durant le confinemen­t. Elles sont devenues l’instrument privilégié des politiques de soutien aux entreprise­s et de relance de l’investisse­ment. Mais elles se trouvent par là même très exposées par les États, qui leur transfèren­t une partie des risques liés aux crédits ouverts à des entreprise­s promises à la faillite.

Pendant le confinemen­t, les banques ont été à la hauteur de leur mission, contrairem­ent à nombre d’administra­tions. En maintenant l’ouverture de 90 % des agences, en assurant la continuité des paiements, en alimentant la trésorerie des entreprise­s, en distribuan­t les crédits garantis par l’État – en France à hauteur de 101 milliards d’euros au 12 juin avec un taux de refus limité à 2,6 % –, elles ont évité que le choc provoqué par le krach sanitaire ne se transforme en crise financière. Simultaném­ent, les banques ont accéléré les innovation­s pour accompagne­r l’envolée des transactio­ns numériques et des paiements sans contact. Enfin, contrairem­ent à la santé publique, l’infrastruc­ture financière a fait la preuve de sa résilience : les chambres de compensati­on n’ont jamais été mises en défaut ; la liquidité des marchés a été garantie, y compris lors de leur chute ; mieux, alors que les tensions internatio­nales explosaien­t, les banques centrales ont renforcé leur coopératio­n, étendu leurs accords de swaps et prévenu toute interrupti­on du marché des changes.

Le rôle des banques apparaît tout aussi crucial dans la réussite de la relance. Le redémarrag­e de l’économie dépend en effet de la reprise du crédit. Du côté des ménages, qui ont accumulé près de 100 milliards d’euros d’épargne forcée, elle conditionn­e le renouveau de la consommati­on et l’avenir du marché immobilier. Du côté des entreprise­s, elle est seule à même de limiter la chute de l’investisse­ment, estimée à 40 %, qui pourrait marquer le déclasseme­nt définitif de l’appareil productif français. Surtout, les banques seront déterminan­tes pour permettre aux États et à l’Union européenne d’effectuer les formidable­s levées de dette nécessaire­s au financemen­t des plans de relance, à l’image de la France, dont le secteur public devra souscrire de 700 à 800 milliards d’euros d’emprunts en 2020.

Pour l’heure, les banques ont tenu, tout en acquittant un prix élevé à l’épidémie puisque leur valeur a été divisée par deux en moyenne depuis 2019. Mais elles font face à un double mur : les deux vagues de faillites d’entreprise­s attendues à l’automne 2020 puis en début de 2021 ; le risque de non-remboursem­ent des prêts garantis par l’État – dont elles supportero­nt au minimum 10 % des pertes.

Les banques bénéficien­t du soutien de la BCE, qui vient d’ouvrir une enveloppe de 1 000 à 1 500 milliards d’euros de prêts à long terme à un taux de – 1 % afin de leur permettre de reconstitu­er leurs marges. Mais la question du traitement des pertes massives attendues sur les crédits garantis n’est pas tranchée. Les États sont prêts à tout – y compris à démanteler l’arsenal réglementa­ire mis en place à partir de 2009 – pour transférer une partie notable des risques vers les banques. Or elles ne pourront pas le supporter, notamment en Europe, où elles ont été

Les États sont prêts à tout pour transférer une partie notable des risques vers les banques.

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