SPLENDEURS VISCÉRALES
Beau livre. « Une jolie femme aux épaules nues, ou plutôt dénudées, avec la peau rabattue de chaque côté… Horreur et splendeur viscérales. » C’est ainsi que Jacques Prévert décrit, dans Imaginaires, ce que l’on a appelé L’Ange anatomique, de Jacques-Fabien Gautier d’Agoty (1716-1785). Graveur hors pair et fou de médecine, ce prince des écorchés offrit à ses contemporains des estampes d’une qualité technique révolutionnaire taillées autant pour les tables de dissection que pour les cabinets de curiosités. Elles fascinèrent autant les médecins que les poètes, dont André Breton, qui y trouva la « beauté convulsive » qu’il appelait de ses voeux. Os, nerfs, veines, apophyses, « brides ligamenteuses » et natures mortes paraissant vivants: les planches des traités de Gautier d’Agoty, dont sa Myologie complète (« science des muscles »), sont aujourd’hui reproduites, avec leurs tables explicatives, dans leur étrange et fascinante intégralité par les Beaux-Arts de Paris, qui en possèdent plusieurs dizaines, dans un beau livre à l’étrangeté enfin accessible. Un surprenant voyage dans le corps humain qui faisait dire à Prévert, encore : « Oui, je voyais surtout une chose que l’imagier avait oubliée : le label cousu main sur la doublure pourpre du manteau de peau blanche, l’étiquette du grand couturier : “Création Dieu père et fils.” »
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Essais et traités anatomiques, Jacques-Fabien Gautier d’Agoty (éditions Beaux-Arts de Paris, 200 p., 39 €).