L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert
Ce n’est pas gagné. Après la branlée que lui a infligée le peuple français aux municipales, on ne voit pas comment le président pourra finir son quinquennat la tête haute, avant d’aborder la présidentielle de 2022.
Ce qui est inquiétant, ce n’est pas seulement la grosse pluie de figues vertes (vertes à l’extérieur, mais rouges à l’intérieur) dans tant de grandes villes de France. C’est aussi un taux d’abstention déprimant, qui en dit long sur l’état de fatigue morale du pays.
Quand on ne croit plus en rien, tout se vaut. Au point de cachexie et d’affaissement où on est, pourquoi ne pas se donner à des coalitions du monde d’avant, faites de bric et de broc, pourvu qu’elles soient habillées en vert ? Les figues vertes sentent le vieux, voire le formol, mais elles sont tendance. Puissent-elles ne pas trop nuire à l’écologie, cette belle et noble cause.
Quand on est convaincu qu’on a la vista, ou que son charme est irrésistible, voilà ce qui arrive. Si elle avait adopté la stratégie d’entrisme, dite du coucou, de La France insoumise, La République en marche n’aurait pas essuyé tant de claques en une seule soirée. Un peu de modestie ne nuit pas.
Mais après avoir souvent fait cavalier seul, avec autant d’arrogance que d’amateurisme, le parti du président a réussi à transformer cette élection en référendum anti-Macron. Passé maître dans l’art de se tirer dans les pieds, il ne s’est pas raté. Pourra-t-il se relever d’ici deux ans ?
S’il continue sa politique au fil de l’eau, le macronisme pourrait n’avoir été qu’un feu follet, à peine apparu, déjà volatilisé. Rien ne dit que le chef de l’État remportera la prochaine présidentielle sous prétexte qu’il a toutes les chances d’être opposé à Marine Le Pen. C’est un très mauvais calcul. Le Rassemblement national n’est pas condamné à perdre ad vitam aeternam.
Avant d’être emporté par les vents mauvais, Emmanuel Macron a quelques semaines pour se ressaisir et repartir sur de nouvelles bases. Entouré, pour l’essentiel, de courtisans et de bras cassés, il aura sans doute été, avec sa gestion narcissique du capital humain, le président le plus seul de la Ve République. Comme tous ses prédécesseurs, y compris de Gaulle, il doit apprendre à travailler avec des alliés qui ne sont pas nécessairement ses obligés.
Macron doit aussi montrer qu’il ne se complaît pas dans l’illusion du pouvoir, qu’il a prise sur les événements, qu’il peut aller à contre-courant, qu’il est capable de défendre la République, notre bien commun, attaquée de toutes parts, mangée par des communautarismes en folie. Sinon, les mois à venir seront pour lui un supplice, jusqu’au coup de balai final.
Chef de l’État n’est pas un métier, ni ici ni ailleurs. Les Jupiter sont par terre et tout le monde, ou presque, se fait les pieds dessus. Pensez ! Ce sont désormais les grandes marques qui font la loi. Après Unilever, Coca-Cola a décidé de suspendre ses publicités dans les réseaux sociaux parce qu’il n’y a « pas de place pour le racisme ». Accusé de complaisance envers Donald Trump, Mark Zuckerberg, patron de Facebook, avait déjà fait censurer des spots de campagne en faveur du président américain, mais ce n’était pas assez. Malmené par la Bourse, il est en train de céder à la pression.
Dans le même temps, pour plaire à certaines organisations antiracistes, L’Oréal a décidé de retirer les mots « blanc », « blanchissant », « clair » figurant sur les emballages destinés à « uniformiser » la peau. Son concurrent américain, Johnson & Johnson, a arrêté toutes affaires cessantes la vente de produits « éclaircissants », pardonnez le gros mot, à destination de l’Asie et du Moyen-Orient. Voilà le monde dans lequel nous vivons.
Dans la foulée, nos politiques se contentant le plus souvent de suivre la vague, on peut envisager que seront à terme débaptisés le mont Blanc, la semaine du blanc, le vote blanc, la rue du Docteur-Blanche, le prénom Claire, les clairs de lune, Blanche ou l’oubli, le roman d’Aragon, les toiles « racistes » de Rothko comme Carré blanc sur fond blanc, etc. Ne riez pas, il y aura bientôt des hurluberlus pour réclamer ce grand nettoyage « antiraciste ».
Les révélations du «Point», dans son dernier numéro, montrent qu’être ancien président n’est pas non plus une sinécure. Même quand on n’est pas sarkozyste, comme l’auteur de ces lignes, on ne peut qu’être indigné par l’acharnement judiciaire d’une magistrature dévoyée, qui mène, avec des motivations politiques, des enquêtes bidon contre Nicolas Sarkozy, qui a eu droit à cent cinquante heures de garde à vue ! Quand la haine et la débilité se font la courte échelle, ça donne ce scandale d’État, dont les politiques n’oseront tirer des leçons, de peur d’être accusés de vouloir mettre au pas une justice qui se croit au-dessus des lois. Le jour venu, pourquoi cette justice ne gâcherait-elle pas, à son tour, la retraite de M. Macron ?
Quand tout va mal, une seule solution: l’offensive. Courage, M. Macron !
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