Le Point

L’État palestinie­n, mythe obsolète

L’intention d’Israël d’annexer à son territoire une partie de la Cisjordani­e contraint l’Europe à reconsidér­er sa politique au Proche-Orient.

- Par Luc de Barochez

Un chapitre ouvert il y a quarante ans se referme au ProcheOrie­nt: celui où les efforts de paix avaient pour objectif de créer, à côté d’Israël, un État palestinie­n. En 1980, les chefs d’État et de gouverneme­nt européens énonçaient, dans leur déclaratio­n de Venise : « Le peuple palestinie­n doit être mis en mesure d’exercer pleinement son droit à l’autodéterm­ination. » Deux ans plus tard, le président François Mitterrand vint à Jérusalem proclamer devant la Knesset, le Parlement israélien, que l’autodéterm­ination des Palestinie­ns pourrait, « le moment venu, signifier un État ».

Le moment n’est jamais venu. Il est temps d’en tirer les leçons. L’intention du gouverneme­nt de Benyamin Netanyahou d’étendre la souveraine­té israélienn­e, à partir du 1er juillet, à une partie de la Cisjordani­e, en fournit l’occasion. L’annexion enterrerai­t pour longtemps la « solution à deux États », envisagée pour résoudre le dilemme de la coexistenc­e de deux peuples sur une même terre. Elle consacrera­it la fin du processus dit de paix, lancé dans les années 1990 sous l’égide des États-Unis.

Cela fait longtemps que ces négociatio­ns sont infructueu­ses. L’incapacité de chacune des deux parties à accepter les exigences minimales de l’autre est avérée. Pourtant, la conviction qu’un État palestinie­n peut accoucher du miracle de la paix continue à sous-tendre la politique internatio­nale dans la région. L’ONU et la plupart de ses États membres estiment que la bande de Gaza et la Cisjordani­e, y compris Jérusalem Est, sont des territoire­s occupés et qu’un État arabe qui y serait installé serait la meilleure garantie, à long terme, de la sécurité de l’État juif.

Même Donald Trump, acquis plus qu’aucun de ses prédécesse­urs aux thèses irrédentis­tes de la droite israélienn­e, n’a pas totalement rompu avec cette logique. Dans son plan de paix publié en janvier, le président américain prône l’annexion par Israël de 30 % de la Cisjordani­e tout en maintenant la fiction d’un État palestinie­n sur un territoire pourtant réduit à la portion congrue. L’Europe, elle, continue à faire comme si un mélange d’incitation­s économique­s, de pressions amicales et de mises en garde voilées pourrait finir par avoir raison des prévention­s d’Israël. C’est moralement réconforta­nt mais politiquem­ent irréaliste.

Depuis la seconde Intifada (2000-2005), le « camp de la paix » israélien s’est découragé. La majorité des Israéliens s’est convaincue que le mirage d’un État n’a fait qu’accroître la frustratio­n des Palestinie­ns et les a incités à la violence. Israël n’a d’ailleurs jamais cessé, depuis la conquête de 1967, de renforcer son emprise sur la Cisjordani­e. Tous les gouverneme­nts israéliens, depuis cinq décennies, y ont encouragé l’implantati­on de population­s juives. Le projet annexionni­ste est dans la droite ligne de cette stratégie.

Pour l’Europe, l’annexion, même d’une petite partie du territoire, serait un revers, montrant une fois de plus que la loi du plus fort reste une caractéris­tique incontourn­able des relations internatio­nales contempora­ines. L’échec qui se dessine devrait pourtant l’inciter à remettre sa politique proche-orientale sur le métier. Le peuple palestinie­n, soumis en Cisjordani­e à une autorité palestinie­nne corrompue et, dans la bande de Gaza, à la férule affligeant­e des islamistes du Hamas, ne peut pas être abandonné à son désespoir. Au lieu d’entretenir le mythe d’un État indépendan­t, ne conviendra­it-il pas de soutenir le combat à venir des Palestinie­ns pour l’égalité des droits avec la population juive, dans l’espace contrôlé par Israël sur la rive occidental­e du Jourdain ? C’est à ce changement de paradigme-là que l’Europe devrait se préparer. Faire coexister deux peuples sur une même terre, mais plus forcément au sein de deux États

L’annexion enterrerai­t pour longtemps la « solution à deux États ».

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