Voituraphobie
La haine de la voiture chez Anne Hidalgo : sujet de thèse pour un doctorat en psychiatrie ? Que s’est-il passé dans la vie mouvementée de la maire de Paris pour qu’elle nourrisse une aversion aussi vive envers cette invention française de la fin du XIXe siècle ? Anne a-t-elle été renversée dans sa petite enfance en Espagne, au début des années 1960, par un automobiliste grossier qui ne se serait pas arrêté et aurait même fait un doigt d’honneur à sa victime et aux témoins de l’accident ? A-t-elle été, jeune inspectrice du travail à Chevilly-Larue, klaxonnée par un routier harceleur sexuel tandis qu’elle regagnait à vélo son domicile du 15e arrondissement de Paris ? Collaboratrice de Martine Aubry au ministère de l’Emploi à la fin des années 1990, Anne a-t-elle été insultée par un chauffeur de taxi lui reprochant de boucher le couloir de bus avec sa trottinette électrique en panne? Il est temps que Mme Hidalgo, réélue avec une avance confortable sur ses deux rivales automobilistes, livre au grand public la véritable cause de ce qu’il convient d’appeler d’un mot nouveau promis à un grand avenir : sa voituraphobie.
L’automobile a été considérée, pendant tout le XXe siècle, comme un instrument de liberté et d’émancipation. Relire les belles pages de Simone de Beauvoir sur le permis de conduire, que la philosophe s’est empressée d’obtenir à la fin de ses études universitaires, au contraire de Sartre, qui avait même du mal à marcher et qu’elle a pu, du coup, promener dans la France entière. La voiture était l’outil merveilleux vous permettant d’échapper et de faire échapper les gens que vous aimiez à une vie trop quotidienne. On se lançait sur la nationale 7 comme dans un parc d’attractions. La mer de Trenet au bout de la route de Kerouac. L’auto était un objet de désir infini, dont rêvaient les piétons. Le vélo, réservé aux ados, et la trottinette – alors appelée patinette –, aux enfants, seule la voiture convenait aux adultes. En 2020, c’est l’inverse : l’automobiliste est qualifié d’enfant irresponsable, presque fou et bientôt inculpé d’écocide. Quelle femme voudrait comme mari et père un homme ne se déplaçant pas à vélo ? Le conducteur d’une automobile polluante n’aura, dans le monde idéal de Mme Hidalgo et de ses électeurs, plus droit de cité. Il est à leurs yeux un monstre obscène, ouvrier satanique démolissant le climat à grands coups d’accélérateur. On lui réservera bientôt, comme les fumeurs dans les rues de Tokyo, quelques espaces isolés à la périphérie des villes où il pourra, avec d’autres tarés de son espèce, se livrer à cette occupation immorale, odieuse, répugnante, insensée : conduire une automobile.
Le nouvel homme aura deux roues. Quand il sera trop vieux pour tenir en équilibre dessus, on lui en rajoutera une : ça fera un tricycle. Qui lui rappellera les jours heureux de son enfance, dans laquelle il ne lui restera plus qu’à retomber
■