Dépakine, l’État et les médecins condamnés
SANTÉ Que plusieurs victimes d’erreurs médicamenteuses fassent condamner un laboratoire pharmaceutique, c’est assez ordinaire, quoique rare et difficile. Mais qu’elles gagnent contre l’État et des médecins, c’est exceptionnel. C’est même une première contre la puissance publique dans la terrible affaire de la Dépakine, utilisée contre l’épilepsie ou les troubles bipolaires et qui provoque chez les bébés exposés in utero des malformations congénitales et un risque accru d’autisme et de retard d’acquisition du langage et/ou de la marche.
Le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a conclu à la responsabilité de l’État à hauteur de 20 à 40 % selon les dates de naissance de cinq enfants exposés entre 1984 et 2008 au valproate de sodium, le principe actif de la Dépakine. L’État a manqué à ses obligations de contrôle et commis des fautes dans l’exercice de son pouvoir de police sanitaire, juge le tribunal. En clair, l’Agence du médicament a tardé à mettre en conformité la notice de l’antiépileptique avec l’état des connaissances scientifiques du moment.
La mise en cause des médecins est l’autre surprise de ce jugement. Plusieurs praticiens ont accédé au désir de grossesse d’une femme en incapacité d’être enceinte et traitée par Dépakine en réalisant une procréation médicalement assistée. Pourtant, dès 2006, la notice du médicament indiquait qu’il ne devait pas être donné chez la femme enceinte et en âge de procréer. Des jumeaux, nés en 2008, souffrent de troubles autistiques graves. La responsabilité des praticiens est engagée à hauteur de 60 % selon les juges.
Mais Marine Martin, la présidente de l’Apesac (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant) est en colère. Dans le dossier d’un enfant né en 1985, le tribunal a estimé que seuls les risques malformatifs étaient suffisamment documentés pour alerter la vigilance des autorités sanitaires, considérant que les risques neuro-développementaux ne l’étaient qu’à partir de 2004. « Cela exclurait de l’indemnisation 80 % des victimes », proteste-t-elle. Entre 15 000 et 30 000 enfants seraient handicapés pour avoir été exposés in utero au valproate de sodium
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