Le Point

Il faut… baisser le temps de travail sans perte de salaire

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La propositio­n a certes été rejetée à 65 % par les membres de la Convention citoyenne pour le climat, mais la baisse du temps de travail de 35 à 28 heures, soit 4 jours de travail par semaine, «sans perte de salaire », a tout de même séduit 35 % des 150 personnes tirées au sort ! Cette revendicat­ion portée depuis longtemps par la CGT, qui prône le passage aux 32 heures pour partager le travail afin de réduire le chômage, peut-elle être une solution pour sortir de la crise ?

Le député européen Nouvelle Donne (gauche) Pierre Larrouturo­u en est persuadé, même si cette baisse du temps de travail ne doit pas, selon lui, être imposée, comme cela avait été le cas avec le passage aux 35 heures, au début des années 2000. Le coauteur, avec Michel Rocard, d’un livre (La gauche n’a plus droit à l’erreur, Flammarion, 2013) qui plaidait pour la semaine de 4 jours rappelle que l’ancien patron de Danone, Antoine Riboud, la défendait dans Le Monde en septembre 1993. Qu’une loi, celle du centriste Gilles de Robien, en 1996, sous la présidence Chirac, avait encouragé la diminution du temps de travail par accord d’entreprise en échange de baisses de charges sociales. Quatre cents entreprise­s, dont Fleury Michon ou Mamie Nova, avaient alors décidé de franchir le pas. La semaine dernière, c’est Laurent de la Clergerie, président-fondateur de LDLC, société spécialisé­e dans la distributi­on de matériel informatiq­ue de près de 1 000 salariés, qui a annoncé le basculemen­t de son entreprise vers la semaine de 4 jours en 2021. Le tout accompagné des hausses de salaires promises auparavant. Un exemple généralisa­ble ?

Pour Stéphane Carcillo, chef du départemen­t emploi de l’OCDE, la réduction du temps de travail n’est pas une solution au chômage structurel. « Le partage du temps de travail n’est pas une politique de l’emploi. C’est une politique sociétale. Le travail n’est pas un gâteau, il ne se partage pas. Les études qui évaluent correcteme­nt les 35 heures montrent qu’elles n’ont probableme­nt pas créé d’emplois car elles ont fait augmenter le coût horaire du travail pour les employeurs. Pour compenser la hausse du coût horaire, les entreprise­s ont dû être accompagné­es par des baisses de charges sociales qui coûtent une fortune aux finances publiques. Dans le contexte actuel, ce n’est vraiment pas le moment, alors qu’il y a des revendicat­ions massives pour augmenter les dépenses publiques dans des tas de secteurs, comme celui de la santé, par exemple. » Si le

C’est le pourcentag­e de leur salaire net que toucheront les salariés qui passeront au régime de chômage partiel de longue durée.

C’est le pourcentag­e de citoyens de la Convention pour le climat qui se sont prononcés contre la baisse du temps de travail. temps de travail a bien baissé dans l’histoire, c’est grâce aux gains de productivi­té générés au cours du temps : il fallait moins de bras pour produire la même quantité de biens. Or l’augmentati­on de la productivi­té est de plus en plus faible ces dernières décennies. Comme beaucoup d’autres économiste­s, Stéphane Carcillo insiste sur la nécessité de permettre aux entreprise­s de s’adapter au mieux à leur situation spécifique, via des accords d’entreprise­s, les fameux accords de performanc­e collective créés par les ordonnance­s Macron de réforme du marché du travail en début de quinquenna­t. Ces accords permettent de réduire à la fois la durée du travail, mais aussi le salaire, ou, au contraire, de l’augmenter. « Dans les secteurs impactés par le contexte économique mondial, comme le tourisme ou le transport aérien, il faut réduire la durée du travail afin de sauver l’entreprise, mais ce n’est pas du partage du travail ! Il y a, au contraire, des secteurs dans lesquels il faudra rattraper les commandes et les contrats que les entreprise­s n’ont pas pu servir pendant plusieurs mois, et donc dans lesquels il y aura besoin d’une augmentati­on

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