Il faut… créer des champions européens
Depuis le rejet de la fusion entre Alstom et Siemens, la Commission de Bruxelles joue sur la défensive. On lui reproche de s’accrocher au dogme de la « concurrence libre et non faussée » et de laisser ainsi entrer dans la bergerie libre européenne le loup chinois. En l’occurrence, le géant du rail CRRC. En effet, quelques mois après avoir enterré la fusion des deux leaders européens du ferroviaire qui se plaignaient de la montée en puissance du géant chinois, voilà que CRRC jetait son dévolu sur le constructeur de locomotives allemand du groupe Vossloh ! « Ça me met hors de moi », lançait dans la foulée Bruno Le Maire, qui n’avait pas de mots assez durs contre la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, accusée d’être la fossoyeuse dogmatique de l’industrie européenne… Angela Merkel elle-même plaide pour la création de champions européens de l’industrie. Le 18 mai dernier, lors de la présentation de l’accord franco-allemand sur l’avenir de l’Europe, la chancelière n’a pas fait pas mystère de ses conceptions : « On essaiera de créer des champions européens. Dans le passé, on a peut-être appliqué un droit de la concurrence qui était quand même assez centré sur celui au sein de l’Union européenne, et on s’est aperçu entre-temps que la Corée du Sud, la Chine, les États-Unis, etc., pariaient, quant à eux, sur des champions mondiaux. […] Nous devons avoir le courage de créer des champions au niveau mondial, et c’est ce que nous allons faire. »
La détermination de la chancelière allemande se heurte cependant à des traités européens solides. Les analyses ne manquent pas : depuis 2016, ce débat a nourri pas moins de trente rapports et documents… La nomination de Thierry Breton, en tant que commissaire au Marché intérieur, plus ouvert aux thèses franco-allemandes, ne l’a pas non plus tranché. Les lignes bougent, mais pas de la façon dont Emmanuel Macron et Angela Merkel peuvent l’espérer. Pourquoi ? Tout simplement parce que le débat fait rage entre les 27 États membres, profondément divisés sur ce que doit être une « politique industrielle européenne