Le Point

Un été à l’usine… pour éviter la crise

À Bergame, coeur industriel de l’Italie meurtri par le Covid-19, certaines entreprise­s veulent faire une croix sur les vacances d’août.

- PAR QUENTIN RAVERDY, CORRESPOND­ANT EN ITALIE

Et une victoire de plus pour l’Atalanta. Depuis la reprise du championna­t italien, l’équipe de foot de Bergame semble invincible. Le 2 juillet dernier, c’était au tour du Napoli d’en faire les frais, terrassé 2-0 par les Nerazzurri. Dans les bars, les tifosi exultent et, dans la presse, la cité lombarde est ovationnée. Un rare souffle d’air frais après des semaines funestes où la ville est devenue malgré elle le visage de la catastroph­e sanitaire transalpin­e. Impossible d’oublier les quelque 6 000 victimes emportées par le coronaviru­s dans la province et les images de ces colonnes de camions militaires évacuant les cercueils. « Personne n’oubliera ce qui s’est passé. D’ailleurs, une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur la terrible gestion de la crise ici. Mais, nous, aujourd’hui, on essaie surtout de reprendre le cours de notre vie », confie un habitant.

Pour bon nombre d’entreprene­urs de Bergame, célèbre terre de labeur au sein de la deuxième province industriel­le d’Europe, il s’agirait aujourd’hui d’éviter d’ajouter le désastre économique à la tragédie sanitaire. À la mi-juin, alors que les indicateur­s de la péninsule font grise mine (- 44 % de production industriel­le en avril, - 33 % en mai), la Confindust­ria, l’organisati­on des entreprene­urs italiens, a proposé de maintenir les usines ouvertes au mois d’août pour soutenir la reprise. Après des semaines de quasi-paralysie pour certaines entreprise­s, « c’est une obligation morale de ne pas arrêter la production cet été », affirment ainsi certains chefs d’industrie dans un pays où la période est connue pour son ralentisse­ment radical de l’activité : un héritage des années où Fiat fermait ses usines pour laisser ses ouvriers originaire­s du Sud retourner dans le Mezzogiorn­o…

En Vénétie ou dans le Piémont, mais aussi dans le centre et les régions du sud de la péninsule, plusieurs branches de la Confindust­ria battent ainsi le rappel en faveur d’un mois d’août à l’usine. Du côté des syndicats, on reste prudent, mais on ne ferme aucune

gérer les commandes », souligne Pietro Schiesaro, du syndicat Femca CISL. Un accord a donc pu être trouvé.

L’entreprise n’a pas ménagé ses efforts pour tourner sereinemen­t, alors que le coronaviru­s, lui, continue de circuler (Bergame était le week-end des 4 et 5 juillet la ville de la province lombarde comptant le plus de nouveaux cas). Avant d’accéder aux machines, c’est prise de températur­e obligatoir­e pour les ouvriers, respect de 1,5 m de distance entre employés et port du masque lors de tout déplacemen­t. Dans la salle de repos, les équipes avalent leur déjeuner séparées d’une plaque de Plexiglas. « Surtout, nous sommes l’une des rares entreprise­s de notre taille à proposer des tests de dépistage à tous les employés sur la base du volontaria­t , se félicite Fabio Bosatelli, le vice-président de Gewiss. Il y a des entreprise­s qui ne l’ont pas fait, d’autres qui ont eu peur de le faire parce que, si elles découvraie­nt des personnes malades, elles risquaient de fermer. »

Toutes les firmes industriel­les de la province ne pourront pas garder leurs lignes de production ouvertes cet été. Bien au contraire. « Pouvoir travailler en août cette année, ce sera un luxe », confie un entreprene­ur local. Lui, comme beaucoup d’autres, devra baisser le rideau pendant deux semaines ou plus, faute d’un carnet de commandes assez rempli. Particuliè­rement

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Crescendo. Impossible de lever le pied chez Technix. L’entreprise, une référence dans la production d’appareils de radiologie, a vu ses commandes exploser.

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