Hors la loi
grave que les crimes institués ■ par la nouvelle loi, mais qui peut leur valoir tout de même jusqu’à cinq ans de prison ! Et un avant-goût du grand procès qui leur pend au nez pour avoir milité jusqu’à Washington pour des sanctions contre Pékin, un crime de « collusion avec l’étranger » passible de la perpétuité selon la LSN.
Juvéniles. On s’est tellement habitué à leurs personnages publics grandiloquents, se prenant pour des super-héros de la liberté mettant en échec la puissante Chine, qu’on en oublie leur âge : Joshua et Agnes n’ont que 23 ans, Ivan, 25. Comme si on leur avait ôté leurs costumes et leurs superpouvoirs, on dirait ici trois jeunes ordinaires perdus face à la justice, à l’instar de n’importe quel délinquant juvénile. Trois coups puissants retentissent. Toute l’assistance se lève. La juge entre. Les trois prévenus se tiennent debout au centre de la cour. La machine judiciaire se met en branle, à toute blinde. L’audience est une comparution pour savoir s’ils acceptent de plaider coupables. Chacun est désigné non par son nom mais par un sigle, D1 (Joshua), D2 (Ivan) et D3 (Agnes). « Que plaide la défense ? » demande la juge. « D1 et D2 plaident non coupables », répondent leurs avocats. « D3 plaide coupable », ajoute un autre conseil. Un rare éclair d’émotion passe dans l’oeil de Joshua quand on annonce que sa coéquipière s’est résolue à passer dès maintenant par la case prison. Il sait que lui aussi a de bonne chance d’y finir. Les sentences seront rendues le 5 août. Quelques minutes plus tard, ils sont en haut du perron, devant une armada de caméras et de micros. Les super-héros sont de retour : « Quoi qu’il arrive, et quand bien même la loi sur la sécurité nationale est en vigueur depuis une semaine, nous continuerons le combat », se chauffe Joshua. « Ils ne peuvent pas tous nous tuer ! » À la fin de son discours, un vieux monsieur se jette dans ses bras et l’encourage.
Maintenue secrète jusqu’à la dernière minute, promulguée et révélée en pleine nuit, la nouvelle
pas, pronostique-t-il. 60 % des Hongkongais votent pour les pandémocrates. La société civile, très organisée, va résister. Ils ne peuvent pas mettre tout le monde en prison. Avocats, juges indépendants, fonctionnaires libéraux, partis politiques et ONG… Sans parler des organisations religieuses ! »
Reste que la Chine met les grands moyens pour mater la cité rebelle. Elle a décidé d’y envoyer ses sbires les plus féroces. Sorti de sa préretraite en 2020, Luo Huining, nouveau directeur du bureau de liaison entre Hongkong et Pékin, est désormais « conseiller à la sécurité nationale » de la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam. Dès avril, il s’est octroyé un rôle de « supervision » qui en fait désormais officiellement le véritable détenteur du pouvoir dans la région.
Ligne dure. Sous ses ordres, Pékin a dépêché Zheng Yanxiong, un cadre du Parti de la province voisine du Guangdong, connu pour avoir maté des manifestations contre la corruption autour du village de Wukan dans les années 2010. « C’est quelqu’un qui pourrait tenir la ligne dure », prévient Alex Payette, du Cercius Group, groupe de chercheurs canadiens spécialistes de la politique chinoise. Zheng aura deux adjoints : l’un, Sun Qinye, issu de la sécurité d’État, gérera le contre-espionnage; l’autre, Li Jiangzhou, issu de la sécurité publique, fait depuis longtemps la liaison entre la police de Hongkong et celle du continent. Un homme connu pour ses « excès de zèle ». « Li Jiangzhou pourrait commettre la faute », s’inquiète Alex Payette. Autrement dit, intensifier toujours plus « l’utilisation de la police armée contre des manifestations ». Avec les mains totalement libres : l’article 60 de la LSN place le bureau de la sécurité nationale entièrement à l’abri des lois hongkongaises. Et, ce mardi 7 juillet, cette nouvelle police secrète a été munie d’un épais règlement d’application de la LSN, pour opérer sans s’embarrasser de mandat. Ce sera ça de moins dans l’agenda très chargé de la justice hongkongaise
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