Joshua Wong : « La Chine rend la neutralité impossible »
Ses livres sont censurés, Pékin lui promet la prison, mais le héros de la révolution des parapluies tient bon.
LE POINT: Dans votre dernier livre («La Parole enchaînée», Stock, 2020), vous constatiez l’émergence d’une «nouvelle guerre froide». Pourquoi ce terme?
Joshua Wong:
La Chine se dissocie du système de droit global. Son hostilité contre le reste du monde s’accroît. Pékin fait face à des critiques et oppositions jamais vues de la part des Nations unies, du G7, des organisations des droits de l’homme, des chambres de commerce, des barreaux et des opinions publiques. Et pourtant les dirigeants du Parti communiste chinois ont choisi de déclarer la guerre au consensus mondial et de défier les inquiétudes internationales en déchirant la déclaration conjointe sino-britannique de 1984 sur la rétrocession, déposée à l’ONU, et en faisant passer cette loi dévastatrice [sur la sécurité nationale, NDLR].
Vous parlez souvent du système politique hongkongais. Mais beaucoup moins de ce que vous savez de la Chine communiste. Quel genre de régime est-ce?
Comme d’innombrables cas d’abus sur les droits de l’homme le montrent, le système chinois est par nature un régime autoritaire. Avec son haut degré de centralisme léniniste, Pékin cherche à garder une emprise sur tous les niveaux de la société et sur les pensées des gens. Ainsi, toute forme de dissidence et tout flux d’information sont soumis à une répression en Chine, comme on l’a vu avec les dissimulations dès le début de l’épidémie de coronavirus. Je l’ai compris dès le tremblement de terre dans le Sichuan en 2008. Les journalistes qui avaient enquêté sur les grands ensembles mal construits qui s’étaient effondrés ont été condamnés à de la prison pour « subversion » et « détention illégale de secrets d’État ». Les mêmes crimes seront désormais poursuivis à Hongkong !
Il y avait autrefois un espoir que la Chine s’ouvrirait. Le problème vient-il de Xi Jinping?
Xi Jinping a fait prendre à la Chine un tournant autoritaire. Contrairement aux dirigeants communistes précédents, Xi a poussé à abandonner la politique étrangère du « profil bas » au profit de la diplomatie plus agressive des « loups guerriers ». L’approche traditionnelle occidentale de la modernisation, qui visait à changer le système politique chinois par les réformes économiques, n’est plus en prise sur la réalité. Les démocraties occidentales doivent reconsidérer la situation et établir un mécanisme robuste contre l’expansion autoritaire de la Chine.
Les entreprises occidentales pensent qu’elles peuvent continuer à faire des affaires avec la Chine et rester politiquement neutres, en respectant les lois, quelles qu’elles soient. Pourquoi est-ce un piège?
Avec sa diplomatie des loups guerriers, la Chine rend la neutralité impossible. C’est ce que montre le cas d’HSBC. La banque a essayé de rester silencieuse. Elle a été attaquée massivement par Pékin, jusqu’à ce qu’elle soutienne la loi. Pour la Chine, toute opportunité d’affaires sur son territoire est un privilège octroyé par Pékin, et non le contraire.
Dans votre livre, vous écriviez que «quoi qu’il m’arrive, ce n’est rien en comparaison de l’emprisonnement de Liu Xiaobo». Maintenant, avec la loi sur la sécurité nationale, vous pourriez suivre les pas du Prix Nobel de la paix, mort en détention en 2017. Si cela se produit, comment éviter d’être complètement écrasé comme Liu?
Cette loi est une épée de Damoclès au-dessus de la société civile. Comme le prouve le cas de Gui Minhai, ce libraire suédois [d’origine chinoise] emprisonné, vous pouvez être kidnappé par les services secrets chinois et traîné devant les tribunaux chinois, même si vous résidez à l’étranger. La seule protection pour les dissidents dans cette ville est la pression internationale. Et comme la Chine est une puissance réaliste qui n’a aucune foi dans les valeurs libérales et le droit, seules des actions concrètes peuvent pousser la Chine à éviter de payer le prix de la répression. C’est pourquoi je continuerai d’appeler le monde à veiller sur Hongkong, la seule manière d’échapper une répression totale de toute dissidence
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« Cette loi est une épée de Damoclès au-dessus de la société civile. »