Le Point

Attention, la tique

En Europe, ce minuscule vampire est le premier vecteur de maladies. Sortez couverts

- PAR FRÉDÉRIC LEWINO

«Promenons-nous dans les bois, pendant que la tique n’y est pas. Si la tique y était, elle nous piquerait ! » Désormais, ce n’est plus du loup qu’il faut avoir peur lors d’une balade en forêt, mais d’un minuscule acarien : la tique. Ou plutôt les tiques, car elles sont légion. On connaissai­t la tique la plus commune en Europe, Ixodes ricinus, triste pourvoyeus­e de la maladie de Lyme, mais voici qu’une nouvelle venue est signalée, la tique à pattes rayées, Hyalomma marginatum. Deux fois plus grosse que sa cousine Ixodes ricinus et présente depuis plusieurs décennies en Corse, elle a profité du changement climatique pour prendre d’assaut le continent ces cinq dernières années, tout en restant cantonnée au climat méditerran­éen. Elle est connue pour être vectrice du virus de la fièvre hémorragiq­ue de Crimée-Congo, potentiell­ement mortel pour l’homme. Mais pas d’affolement : le pathogène n’a pas été détecté sur ce nouveau territoire.

Il faut dire que les tiques provoquent souvent la panique. Et pour cause : « La tique est le premier vecteur de maladies chez l’homme et l’animal en Europe et le deuxième dans le monde, après le moustique, qui transmet le paludisme », confirme Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du départemen­t Santé animale de l’Institut national de recherche pour l’agricultur­e, l’alimentati­on et l’environnem­ent (Inrae) et grande spécialist­e de l’acarien. À ce jour, 869 espèces ont été identifiée­s, dont une quarantain­e en France. Certaines préfèrent se nourrir sur les serpents, d’autres sur les oiseaux ou sur les batraciens.

Et puis il y a celles qui ne jurent que par le sang des mammifères et des hommes, leurs refilant au passage des virus, des bactéries ou des parasites. En premier lieu, Ixodes ricinus. Comme toutes les tiques, ce n’est pas une boulimique. Elle ne réclame sa dose de sang qu’au moment de muer. Or, alors qu’elle peut vivre trois ans, elle ne mue que deux fois. Quand la larve évolue en nymphe, puis quand celle-ci devient adulte. Deux repas au cours d’une vie, c’est peu. Néanmoins, la femelle s’attable une troisième fois après s’être accouplée, histoire d’être en forme pour porter environ 2 000 oeufs. Après avoir pondu, elle est tellement sur les rotules qu’elle meurt avec la satisfacti­on du devoir accompli. Comme toutes ses cousines, Ixodes ricinus pratique la chasse à l’embuscade, perchée sur un brin d’herbe ou sur un buisson. Suivant qu’elle est larve ou nymphe, elle chasse des proies plus ou moins grosses. Mulots, campagnols

Les tiques sont continuell­ement à l’affût dans la plupart des forêts françaises. Mais elles se cachent aussi dans les jardins privés et dans les parcs. Lors d’une balade en forêt, il est préférable de se couvrir les jambes, de porter des manches longues et de rester sur les chemins. Un répulsif contre les tiques est recommandé. De retour à la maison, inspecter les moindres replis de son corps et de celui de son chien. Pour contribuer à la recherche, signaler les piqûres de tique grâce à l’applicatio­n Signalemen­t tique, mise au point par l’Inrae et télécharge­able gratuiteme­nt sur citique.fr. ou écureuils pour la larve ; lapins, renards, hérissons, ou chevreuils pour la nymphe. Pour son troisième et ultime repas, la femelle adulte préférera le gros gibier : cerfs, vaches et êtres humains. Évidemment, il n’est pas exclu qu’une nymphe ait les yeux plus gros que le ventre et s’attaque aussi parfois à des proies plus grosses que prévu.

Le plus étonnant, c’est qu’Ixodes ricinus est totalement aveugle. Pas d’oeil pour repérer sa victime. Seule une poignée de cellules photosensi­bles placées sur ses flancs lui permet d’apprécier la variation d’intensité lumineuse. Elle repère surtout ses proies à l’odeur. Pour cela, la tique possède un « nez » extraordin­aire sous la forme des organes de Haller, du nom de leur découvreur. Un sur chaque patte avant. Des cellules spécialisé­es identifien­t le gaz carbonique rejeté par la respiratio­n de la future victime, mais aussi l’ammoniac dégagé par son urine et les acides butyrique et lactique libérés par sa transpirat­ion. L’organe de Haller est aussi sensible à la chaleur et aux vibrations.

Une fois avertie par son nez du passage d’une proie, Ixodes se laisse choir sur elle, puis se met en quête d’un coin discret, humide,

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