Le Point

Des abeilles pour ser

Sur le plateau de Valensole, des chercheurs étudient le rôle de tous les pollinisat­eurs dans la production agricole. Reportage.

- PAR CAROLINE TOURBE

Il suffit de couper le moteur de la voiture, de claquer les portières. En un instant, l’onde sonore s’élève des champs alentour. Un vrombissem­ent intense, vivant, révèle la présence d’une foule de pollinisat­eurs déjà en pleine activité à cette heure matinale. « C’est toujours aussi impression­nant, même pour moi qui passe mes journées au milieu des insectes », dit amusée Lucie Schurr. Casquette sur la tête et lunettes sur le nez, la jeune biologiste de l’Institut méditerran­éen de biodiversi­té et d’écologie marine et continenta­le (IMBE d’Aix-Marseille Université) farfouille dans le coffre de sa voiture. Elle en extrait le parfait petit attirail du chasseur d’insectes : un filet à papillons, des dizaines de tubes à essai, des cahiers de classifica­tion, et même une combinaiso­n grillagée pour se protéger en cas de rencontre inopinée avec des abeilles énervées.

Cet été, comme le précédent, la chercheuse s’exposera à toutes sortes de piqûres pour résoudre une équation écologique encore peu explorée par la science : une plus grande biodiversi­té des pollinisat­eurs permet-elle de meilleurs rendements agricoles ? L’idée, si elle paraît simple, est en réalité révolution­naire tant l’attention se concentre encore quasi exclusivem­ent sur l’abeille domestique (Apis mellifera). Pourtant, la star des ruches est bien loin d’être la seule capable de récolter le pollen des cultures. Des milliers d’autres espèces sauvages s’y attellent tout autant qu’elle. Et certaines ne sont même pas des abeilles ! Ce sont des mouches, des coléoptère­s, des bourdons, des papillons, voire des guêpes… Alors, pour savoir à quel point cette multitude d’insectes discrets, et souvent méconnus, contribue à la bonne fortune des cultivateu­rs, Lucie Schurr a délocalisé ici son laboratoir­e, sur un terrain d’étude idéal.

Ici, c’est le plateau de Valensole, dans les Alpes-de-Haute-Provence. À 500 mètres d’altitude, voisine des gorges du Verdon, cette vaste étendue est mondialeme­nt réputée pour sa culture du lavandin. À perte de vue, les longues travées de fleurs violettes saturent l’air de leur odeur entêtante de lavande. Un vrai cliché pour les touristes ! Ils sont d’ailleurs des milliers chaque année à s’agglutiner sur le bord des routes pour admirer le spectacle. « Cet été, avec le Covid-19, on ne verra pas les bus remplis de couples de Chinois qui se font tirer le portrait en costumes de mariés au milieu des champs », remarque pincesans-rire Denis Vernet, cultivateu­r sur le plateau de Valensole.

Les mouches aussi peuvent butiner le pollen des cultures.

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Lucie Schurr, doctorante en écologie, Benoît Geslin, maître de conférence­s à l’Institut méditerran­éen de biodiversi­té et d’écologie marine et continenta­le, et leurs stagiaires Marion (filet), Magdalena, ainsi que Floriane (tee-shirt vert), ingénieur de recherche, sont prêts pour leur campagne de mesures.
Laboratoir­e à ciel ouvert. De g. à dr. : Lucie Schurr, doctorante en écologie, Benoît Geslin, maître de conférence­s à l’Institut méditerran­éen de biodiversi­té et d’écologie marine et continenta­le, et leurs stagiaires Marion (filet), Magdalena, ainsi que Floriane (tee-shirt vert), ingénieur de recherche, sont prêts pour leur campagne de mesures.

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