Le Point

Quand les Verts nuisent à l’écologie

- Étienne Gernelle

Avec des amis comme ceux-là, l’environnem­ent n’a pas besoin d’ennemis. Europe Écologie-Les Verts (EELV) est en train de remplacer les festivals annulés de l’été, offrant le spectacle de la bêtise qui prospère dans ses rangs. Au point de nuire à la cause que ce parti assure défendre ? On pense à cette méchanceté attribuée à Chopin et visant George Sand : « Je ne crois plus aux larmes depuis que je l’ai vue pleurer »...

Ceux qui se sont entichés des Verts français ont des raisons d’être amers, à regarder les exploits de leurs nouveaux élus municipaux. On découvre ainsi que la nouvelle maire de Marseille, Michèle Rubirola, a soutenu la clique furieuse des antivaccin­s, tout comme la députée européenne Michèle Rivasi (en deuxième position sur la liste du parti). Le premier édile de Bordeaux, Pierre Hurmic, s’est lui illustré en relayant les divagation­s complotist­es à propos des compteurs électrique­s Linky ou de la 5G. Quant à Éric Piolle, réélu à Grenoble, il estime, même en « raccourci provocateu­r », selon ses mots, que « la 5G, c’est pour regarder du porno sur votre téléphone, même quand vous êtes dans l’ascenseur, en HD». Conspirati­onnisme et méfiance envers le progrès font donc recette chez EELV. Certains s’égarent parfois dans la collapsolo­gie, comme l’incroyable Yves Cochet.

Mais tout cela est déjà – un peu – connu. Un autre nouveau maire EELV, celui de Colombes, Patrick Chaimovitc­h, a, lui, tranquille­ment comparé les forces de l’ordre actuelles à la police de Vichy. Avant de s’excuser, mais tout de même. En novembre, Esther Benbassa, sénatrice EELV, posait, lors de la marche contre l’islamophob­ie, avec des militants portant une étoile jaune, établissan­t ainsi un lien entre la persécutio­n des juifs sous l’occupation nazie et la situation des musulmans en France… La proximité de certains membres du parti avec les mouvements indigénist­es, dont les manifestat­ions sont parfois ponctuées de slogans antisémite­s, a de quoi préoccuper ceux qui sont là pour le climat.

Dans un registre différent, on a assisté récemment à la tonitruant­e sortie d’Alice Coffin, élue Verte de Paris, qui a affirmé, sur la chaîne russe RT, que « ne pas avoir un mari » l’exposait plutôt à « ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée ». Un brin excessif, peut-être ?

EELV a en tout cas laissé grandir parmi ses militants une certaine propension à l’autoritari­sme. Le désir (partagé par la Convention citoyenne) de modifier la

Constituti­on pour y préciser que les libertés publiques ne sauraient s’opposer à la préservati­on de l’environnem­ent devrait, par exemple, alarmer.

Tout cela occulte les vraies questions. On préférerai­t interroger les amis de Yannick Jadot sur la décroissan­ce – en n’oubliant pas de dire que cela signifie baisse des salaires – ou encore sur le nucléaire – sans omettre de préciser que la fermeture de Fessenheim va faire monter les émissions de carbone. Mais non, il faut discuter de ces coquecigru­es. On ne sait jusqu’où EELV emmènera le débat. Peut-être d’ailleurs qu’il n’aura plus lieu, faute de compréhens­ion des participan­ts : la municipali­té verte de Lyon vient de se convertir à l’écriture inclusive…

Ne soyons toutefois pas injustes. EELV et les autres partis écologiste­s ont certaineme­nt contribué à la prise de conscience globale sur l’environnem­ent. Les Verts ont longtemps été ce parti un peu rêveur et brouillon, à l’occasion allié des socialiste­s, qui en avaient fait des supplétifs. Les élections municipale­s (avec quelques exceptions, notamment Paris et Lille) ont inversé le rapport de forces : désormais, ce sont eux qui dominent la gauche. Des exécutifs locaux majeurs sont entre leurs mains. Pourquoi pas l’Élysée en 2022 ? Il serait donc temps que ce parti se débarrasse de ses scories complotist­es ou antiprogrè­s ainsi que du dédain pour les libertés publiques, hérités, d’une part, de recrues issues de l’extrême gauche et, d’autre part, d’une bonne conscience assez peu questionné­e par un troupeau médiatique plutôt complaisan­t. Pourtant, si EELV arrivait au pouvoir, une partie de son gouverneme­nt ferait presque passer Trump ou Bolsonaro pour des gens raisonnabl­es…

Remarquez, les Verts n’ont pas le monopole du délire. On apprend ainsi que le tout nouveau secrétaire d’État à la Ruralité, Joël Giraud, s’était très sérieuseme­nt inquiété à l’Assemblée nationale, en 2013, des « chemtrails », l’une des marottes des complotist­es, qui imaginent que les traînées de condensati­on des avions sont en réalité de l’épandage de produits chimiques…

On trouve des hurluberlu­s ailleurs, et il n’y a pas que cela – loin de là – chez EELV. Yannick Jadot, le chef de file du mouvement, semble vouloir ramener sur terre ses écolos. Ce serait une bonne chose. Pour la santé du débat politique, et pour l’écologie

Il serait temps que ce parti se débarrasse de ses scories complotist­es ou antiprogrè­s ainsi que du dédain pour les libertés publiques.

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