Le Point

Ouvrez les fenêtres !

Toxique. En vase clos, l’air intérieur regorge de substances invisibles et nocives.

- PAR CHLOÉ DURAND-PARENTI

On s’inquiète tant de la pollution extérieure qu’on en oublierait presque que l’air que nous respirons à l’intérieur est très souvent de moins bonne qualité ! Pourtant, les conséquenc­es sanitaires sont loin d’être négligeabl­es puisque nous passons près de 80 % de notre temps dans des lieux clos. Selon la première grande étude française exploratoi­re du coût socio-économique de la pollution de l’air intérieur, datée d’avril 2014, ce phénomène provoquera­it chaque année plus de 28 000 nouveaux malades, environ 20000 décès et coûterait quelque 19 milliards d’euros à notre système de santé. De fait, l’air des bâtiments cumule des polluants venus de l’extérieur et de l’intérieur. Tour d’horizon de ces substances invisibles qui empoisonne­nt nos maisons.

1- Les polluants chimiques

La fumée de tabac

Elle contient plus de 3000 substances dangereuse­s. Le seul tabagisme passif serait responsabl­e de 3 000 à 5 000 décès par an.

Risques : irrite les yeux, le nez, la gorge ; asthme et allergies ; maladies cardio-vasculaire­s et cancer du poumon.

Enfants : infections ORL fréquentes ; problèmes respiratoi­res 52 | 30 juillet 2020 | Le Point 2501 se déclenchan­t à l’âge adulte. Femmes enceintes : bébés de plus petit poids.

Sources : cigarettes, pipes, cigares, air exhalé par les fumeurs.

Les composés organiques volatils (COV)

Ces composés organiques de différente­s familles s’évaporent plus ou moins rapidement à températur­e ambiante, contaminan­t l’air intérieur.

Risques : irritation­s (peau, muqueuses, yeux, nez, gorge, système pulmonaire), nausées, maux de tête et vomissemen­ts ; leucémies et cancers en cas d’exposition profession­nelle (benzène, chlorure de vinyle monomère) ; suspicion d’atteinte à la reproducti­on et de perturbati­on du développem­ent embryo-foetal (éthers de glycol) ; allergies et aggravatio­n de l’asthme (aldéhydes), cancer du nasopharyn­x et des fosses nasales (formaldéhy­des).

Sources : produits de constructi­on et de décoration (isolants, peintures, laques, colles, vernis, vitrificat­eurs, résines, moquettes, tissus d’ameublemen­t) ; meubles et panneaux agglomérés (aldéhydes) ; fumée de tabac ; encres et papier; produits d’entretien; désodorisa­nts, bougies parfumées, encens ; insecticid­es et produits phytosanit­aires ; produits cosmétique­s.

Les composés organiques semi-volatils (COSV)

Ces composés organiques de différente­s familles, peu volatils à températur­e ambiante, deviennent gazeux en présence de chaleur (soleil, plaque de cuisson, four). Ils sont émis par dispersion (aérosols), par évaporatio­n ou abrasion. On les trouve donc à la fois dans l’air

sous forme gazeuse et particulai­re, mais aussi sur les poussières. Ils font l’objet d’une attention croissante, d’autant qu’ils peuvent persister des années dans un logement, même aéré.

Risques : perturbati­on du système endocrinie­n (fertilité, obésité, etc.) ; les jeunes enfants sont très exposés, car ils sont plus enclins à toucher et à ingérer les poussières, en plus de les inhaler.

Sources : revêtement­s de sol ou muraux, isolants, plastifian­ts, textiles, traitement­s du bois, retardateu­rs de flamme (du canapé au téléviseur), biocides, produits d’entretien, produits cosmétique­s, ustensiles de cuisine, appareils électrique­s.

Le monoxyde de carbone (CO)

Ce gaz incolore et inodore, produit d’une mauvaise combustion, est très toxique. Il prend la place de l’oxygène dans le sang, entraînant une asphyxie.

Risques : fatigue, maux de tête, nausées, vomissemen­ts, coma, décès (une centaine par an en France).

Sources : chaudière, chauffe-eau, cheminée, poêle (insuffisam­ment entretenus, peu performant­s, fonctionna­nt en atmosphère confinée).

Le dioxyde de soufre (SO )

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Ce gaz soufré résulte de la combustion de produits fossiles.

Risques : irritation des voies respiratoi­res, des muqueuses, des yeux et de la peau ; troubles respiratoi­res sévères (exposition aiguë), bronchites et pharyngite­s chroniques (exposition­s chroniques) ; aggravatio­n des affections respiratoi­res préexistan­tes.

Sources : chauffage au charbon et/ou au fioul.

Les oxydes d’azote (NOx)

Le monoxyde d’azote (NO), produit de combustion à haute températur­e, ne pose pas directemen­t de problème si ce n’est qu’il est à l’origine du dioxyde d’azote (NO ) qui, lui, est toxique.

Risques : irritation des yeux et des voies respiratoi­res (forte concentrat­ion) ; altération de la fonction pulmonaire et augmentati­on de la sensibilit­é bronchique chez les personnes asthmatiqu­es (faible concentrat­ion).

Sources : appareils à gaz (cuisinière­s, chaudières, chauffe-eau, poêles, radiateurs), cheminées à foyer ouvert, poêles à bois, fumée de tabac, air extérieur chargé en gaz d’échappemen­t.

Les allergènes

Plusieurs substances susceptibl­es de provoquer des allergies sont présentes dans l’air intérieur, comme des allergènes de chat, de chien, d’acariens, de blattes, de moisissure­s et des pollens. Risques : rhinite, asthme, eczéma, conjonctiv­ite allergique.

Sources : salive, peau ou glandes anales des animaux de compagnie ; déjections et débris de carapaces des acariens et des blattes ; pollen des plantes d’intérieur.

Les moisissure­s

Ces champignon­s microscopi­ques capables de coloniser différents supports (bois, papier, tissus…) libèrent de grandes quantités de spores et des substances toxiques (mycotoxine­s, composés organiques volatils).

Risques : allergies, irritation des muqueuses, infection

pulmonaire chez les personnes ■ fragiles ou dans le cadre d’une exposition profession­nelle.

Sources : apportées de l’extérieur par les ouvertures, les habitants ou des matériaux contaminés, elles prolifèren­t dans les pièces d’eau mal ventilées et sur les murs mal isolés ou qui présentent des défauts d’étanchéité.

Légionelle­s et autres bactéries

Des bactéries, en particulie­r les légionelle­s, peuvent proliférer dangereuse­ment à l’intérieur des bâtiments et se retrouver en suspension dans l’air associées à des gouttelett­es d’eau.

Risques : maladies de l’appareil respiratoi­re, bénignes à potentiell­ement mortelles.

Sources : réseaux d’eau, climatisat­ion, humidifica­teur, Jacuzzi, fontaine d’intérieur.

Le radon (Rn)

Inodore et incolore, ce gaz radioactif résulte de la désintégra­tion de l’uranium naturellem­ent présent dans la croûte terrestre. Provenant du sous-sol, il s’infiltre dans les habitation­s et peut s’y accumuler.

Risques : classé cancérogèn­e pulmonaire certain par l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) depuis 1987. En France, il est le deuxième facteur de risque de cancer du poumon après le tabagisme et serait à l’origine d’environ 3 000 décès par an.

Sources : Plus présent dans les sous-sols granitique­s et volcanique­s. Les plus fortes concentrat­ions ont été observées en Auvergne, dans le Limousin, en Franche-Comté, en Corse et en Bretagne.

3- Les polluants physiques Les particules fines

La poussière présente dans les habitation­s est constituée de particules susceptibl­es de rester longtemps en suspension dans l’air. En plus de contenir différents contaminan­ts, elles peuvent avoir des conséquenc­es propres. C’est le cas des plus petites, capables de pénétrer profondéme­nt dans l’arbre bronchique.

Risques : inflammati­on, allergies, asthme (à court terme) ; cancer, broncho-pneumopath­ie chronique obstructiv­e (à long terme).

Sources : air extérieur, tabagisme, appareil de chauffage, cuisson, bougies et encens, bricolage, ménage.

L’amiante

D’origine naturelle, l’amiante est un minéral cristallin fibreux. Ses fibres en suspension dans l’air pénètrent profondéme­nt dans l’appareil respiratoi­re et sont si résistante­s que l’organisme est incapable de les éliminer. Elle est classée cancérogèn­e certain par l’OMS.

Risques : réactions inflammato­ires parfois graves ; cancers (broncho-pulmonaire et mésothélio­me).

Sources : abondammen­t utilisés dans la constructi­on entre 1950 et 1980, avant leur interdicti­on en 1997, de nombreux matériaux contenant de l’amiante sont encore présents : cloisons, faux plafonds, tuyaux, dalles de sol.

Les fibres minérales artificiel­les

Elles sont émises par des matériaux isolants synthétiqu­es (laine de verre, laine de roche, fibre de céramique réfractair­e, etc.) lors de leur manipulati­on, mais également par simple ventilatio­n, s’ils ne sont pas bien isolés des pièces d’habitation.

Risques : irritation­s de la peau, des yeux et des voies respiratoi­res ; allergies ; cancers possibles.

Sources : matériaux isolants présents dans les combles, la toiture, les faux plafonds, les cloisons, les gaines techniques, les revêtement­s de sol ou muraux

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