Le Point

La minute antique

- CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

RÉSILIENCE LIBANAISE. On entend beaucoup parler, après la nouvelle tragédie qui frappe Beyrouth, de la fameuse « résilience » du peuple libanais. Quinze ans de guerre civile expliquent en partie cette formidable capacité à revivre après les drames, mais si elle remontait plus loin ? À l’histoire d’Adonis, dont le sang, prétendent les Libanais, continue à rougir, à certaines périodes de l’année, les eaux du fleuve Nahr-Ibrahim, surnommé « Fleuve d’Adonis » ? Adonis, dit la mythologie, était un jeune homme d’une beauté folle, tué par un sanglier envoyé par un dieu jaloux. En mémoire de l’événement, raconte Lucien de Samosate dans De Dea Syria (IIe siècle), les habitants de la ville de Byblos, au sud de laquelle se jette ce fleuve, « célèbrent tous les ans des orgies dans lesquelles ils se frappent la poitrine, pleurent et mènent un grand deuil par tout le pays ». « Quand il y a assez de plaintes et de larmes, continue Lucien, ils envoient des présents funèbres à Adonis, en sa qualité de mort, mais, ajoute-t-il, dès le lendemain, ils racontent qu’il est vivant. » Oui, « dès le lendemain »… Si ce n’est pas une formidable capacité à rebondir, ça !

Le film commence par un monologue de douze minutes pendant lequel un père raconte à sa fille de 11 ans, Rag, une version tendre et farfelue de l’arche de Noé. Le plan est serré, la scène intimiste, le lieu indétermin­é. Puis il y a cette remarque de Rag, étonnée : pourquoi, dans cette histoire d’animaux, existe-t-il un couple de chaque espèce alors qu’elle est seule dans la sienne ? Dans le monde de Rag et de son père, l’apocalypse a déjà eu lieu. Peu de temps après la naissance de la fillette, une pandémie a rayé la population féminine de la carte, contraigna­nt le père à dissimuler Rag (excellente Anna Pniowsky) sous les traits d’un garçon et à fuir toute présence humaine pour la protéger. Neuf ans après I’m Still Here, faux documentai­re sur Joaquin Phoenix, Casey Affleck (photo) (Manchester by the Sea) revient à la réalisatio­n avec une dystopie dans la lignée des Fils de l’homme (2006), d’Alfonso Cuaron, ou de La Route (2009), de John Hillcoat. Mais, ici, point d’effets spéciaux. Avec délicatess­e et poésie, Light of my Life met l’accent sur la violence et les bontés de mère Nature – et sur la beauté de l’amour filial. Bouleversa­nt

Le Disparu de Larvik, de Jorn Lier Horst. Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier (Gallimard, « Série noire », 480 p., 18,90 €). Ce que l’inspecteur William Wisting a de plus existant dans l’existence en ce moment, c’est sa fille, Line. Enceinte jusqu’aux yeux d’un géniteur hypothétiq­ue, elle est venue s’installer là où officie son père. Line retrouve Sofie, une camarade de classe dont elle ne se souvient plus vraiment mais qui va lui faire partager son secret: un coffre-fort qui appartenai­t à son grand-père, féru de braquages et de contreband­e d’alcool – puisqu’en Norvège la prohibitio­n existe toujours. À l’intérieur, un magot et un revolver. Une arme que Line remet à son père, qui, lui, court après un chauffeur de taxi disparu dans L’Usurpateur (Folio). Or ce revolver se trouve impliqué dans un meurtre dont le procès va s’ouvrir. Vous l’avez compris, Horst, ex-flic lui-même, détricote via Wisting cette affaire labyrinthi­que sur un rythme hautement nordique : lent, froid, irrésistib­le

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