Comment passer l’arme à gauche quand on est un artiste de droite, par Sébastien Le Fol
Le clivage gauche-droite demeure très vivace en France, selon l’enquête de Jérôme Fourquet, qui tisse la trame de notre méditation estivale. Cela nous mène à la question de la semaine : les médias traitent-ils de la même manière à leur mort les artistes dits de droite et de gauche ? Y a-t-il encore un enterrement de gauche et un enterrement de droite ? Cette typologie ne nous serait pas spontanément venue à l’esprit : on préfère juger les artistes selon d’autres critères. Mais la classification politique l’emporte dans les médias. Depuis les funérailles de Jean-Paul Sartre, à l’heure du trépas, on valorise encore et toujours l’engagement… à gauche. L’appartenance politique est mentionnée avant même l’oeuvre de l’artiste défunt. Ce fut le cas pour Guy Bedos et Michel Piccoli. Eussent-ils été moins appréciés s’ils avaient penché de l’autre bord ? Leur pedigree artistique plaidait en leur faveur. On les a tant aimés. Nul besoin d’être socialiste pour apprécier la scène du gigot dans Vincent, François, Paul… et les autres ni communiste pour rire de bon coeur devant Un éléphant, ça trompe énormément. Faut-il être royaliste pour apprécier l’écrivain Jean Raspail, disparu lui aussi cette année ? Lui ne cachait pas sa passion pour le trône et l’autel. Il a, en outre, écrit Le Camp des saints, en 1973. Une dystopie décrivant la submersion de l’Occident par une immigration massive. Vade-mecum des souchistes et des obsédés du grand remplacement, c’est l’arbre qui cache la forêt Raspail. La nécrologie n’a retenu que cet épouvantail. Dommage pour les lecteurs plus aventureux de Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie et de Qui se souvient des hommes…, pas tous fascistes certainement, séduits par le
« spectre héroïque et pitoyable des majestés inutiles ». Les membres du jury du prix du Livre Inter n’avaient-ils pas couronné Raspail en… 1987 ? Au moment du Jugement dernier, la gauche vous envoie au paradis. Pour la droite, il peut y avoir une étape au purgatoire. Rendre l’âme ne signifie-t-il pas aussi « passer l’arme à gauche » ?