Le Point

Éditoriaux : Pierre-Antoine Delhommais, Luc de Barochez

À la suite de la crise sanitaire, les banques centrales font tourner la planche à billets pour financer les déficits : une pratique du Moyen Âge.

- Par Pierre-Antoine Delhommais

Classée dans la catégorie des « crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique », la fabricatio­n de fausse monnaie est lourdement punie par la loi. Selon l’article 442-1 du Code pénal, « la contrefaço­n ou la falsificat­ion des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France ou émis par les institutio­ns étrangères ou internatio­nales habilitées à cette fin, est punie de trente ans de réclusion criminelle et de 450 000 euros d’amende ». La peine peut paraître sévère mais reste douce en comparaiso­n de celle infligée par la justice du Moyen Âge aux faux-monnayeurs, condamnés à être ébouillant­és en public dans un vaste chaudron rempli d’eau ou d’huile de poix.

Aussi ancienne que la vraie, la fausse monnaie a étonnammen­t bien résisté aux progrès technologi­ques en matière d’impression et de sécurisati­on des billets pourtant censés empêcher leur contrefaço­n. Selon la Banque centrale européenne, quelque 308 000 fausses coupures en euros ont été saisies au second semestre 2019, soit une hausse de 17,6 % par rapport à la même période de 2018. Même si la part des faux billets est minime en comparaiso­n des 24 milliards de vraies coupures en circulatio­n, la contrefaço­n monétaire reste un souci majeur pour les banques centrales. Afin de la traquer, la Banque de France rappelle sur son site Internet qu’elle forme gratuiteme­nt chaque année plus de 25 000 commerçant­s « à la méthode TRI (toucher, regarder, incliner), simple, rapide et efficace pour reconnaîtr­e les billets authentiqu­es ».

Il est en tout cas amusant d’observer la déterminat­ion sans faille affichée par les banques centrales pour lutter contre les faux-monnayeurs au moment où elles-mêmes font tourner la planche à billets à une cadence aussi élevée que les fabricants de masques chirurgica­ux. Où elles-mêmes créent de la monnaie, certes authentiqu­e et légale, mais dans des quantités astronomiq­ues, jamais vues et totalement décorrélée­s de la production de richesses dans l’économie réelle.

Selon les estimation­s de l’économiste Patrick Artus, l’offre de monnaie des banques centrales des pays de l’OCDE devrait s’accroître de 10 000 milliards de dollars cette année, soit une hausse de 70 %, et ce alors même que le PIB devrait y reculer d’au moins 7,5 %. À l’origine de cette envolée, la monétisati­on des dettes publiques émises pour lutter contre les effets de la crise économique et sanitaire, autrement dit l’achat direct par les banques centrales des emprunts d’État avec de la monnaie créée ex nihilo à cet effet.

Au-delà des menaces d’hyperinfla­tion et d’instabilit­é financière chronique, cette création monétaire débridée fait courir le danger plus grand encore d’une perte de confiance des citoyens dans la monnaie et sa véritable valeur. Confiance dans la monnaie dont l’économiste Michel Aglietta souligne qu’elle « est l’alpha et l’oméga de la société. Avoir confiance dans la monnaie, c’est avoirconfi­ance dans l’institutio­n qui la légitime, dans le souverain,

Cette création monétaire débridée fait courir le danger d’une perte de confiance des citoyens dans la monnaie et sa valeur.

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Le brigadier Gabriel annonçant à Marie que son fils est en garde à vue.

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