Et Juan Carlos prit la poudre d’escampette…
Les turpitudes de l’ex-roi d’Espagne font oublier le rôle clé qu’il a joué par le passé, selon sa biographe.
Lundi 3 août à l’aube, le roi émérite a filé de sa résidence, la Zarzuela, en toute discrétion, laissant à son fils Felipe VI une lettre rendue publique par la maison royale : «Guidé par la conviction de rendre le meilleur service aux Espagnols, à ses institutions, et à toi comme roi, je te communique ma décision mûrement réfléchie de partir, pour le moment, d’Espagne. » Juan Carlos Ier a quitté le pays sans laisser d’adresse. L’Espagne est sidérée de voir son chantre de la démocratie, autrefois élevé au rang de héros, disparaître, avec une équipe restreinte de sécurité pour tout privilège. Après deux semaines de rumeurs, qui ont rajouté une note romanesque à cette opération de sauvetage de la Couronne, la maison royale déclare, le lundi 17 août, qu’il s’est établi aux Émirats arabes unis.
C’est un homme de 82 ans, malade et diminué par 17 opérations – dont la dernière à coeur ouvert –, qui prend le large. Trop de scandales font de lui désormais un pestiféré dans son royaume. Il n’y a aucune accusation formelle de la justice contre lui, mais l’opinion publique l’a déjà condamné pour ces 100 millions de dollars provenant d’Arabie saoudite et placés sur un compte suisse, dont une partie se retrouve sur le compte offshore de son ancienne maîtresse allemande, Corinna Larsen, son accompagnatrice lors de la fameuse chasse à l’éléphant au Botswana qui
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L’opinion publique l’a déjà condamné pour ces 100 millions de dollars provenant d’Arabie saoudite et placés sur un compte suisse…
lui coûta son trône. Est-ce ■ un cadeau du généreux roi d’Arabie, son « frère arabe », ou, comme le prétend Corinna Larsen, des commissions illégales versées en marge du contrat de construction d’un train à grande vitesse reliant Médine à La Mecque, d’un montant de 6,7 milliards d’euros ?
La chronologie sème le doute : la somme est versée en 2008 et l’appel d’offres du TGV du désert n’est lancé qu’un an après pour être finalement attribué en 2011. Une action pénale menée en Suisse, qui pourrait rejoindre celle ouverte par le parquet anticorruption espagnol, cherche à éclaircir l’origine des fonds. La seule certitude: à la période des faits, Juan Carlos jouit d’impunité en tant que chef d’État en exercice. Mais il est loin d’être absous par un pays lassé par la corruption, qui atteint tous les partis politiques, et désabusé par l’incohérence entre le discours officiel d’exigence d’exemplarité, comme Juan Carlos lui-même l’a souvent rappelé, et ces actes condamnables. Peu importe si, grâce à lui, l’Espagne est le seul pays européen à ne pas avoir souffert de pénurie de pétrole lors des chocs pétroliers des années 1970. Ses relations intimes avec les Saoud lui ont permis de négocier personnellement la livraison de barils à un prix préférentiel. Puis il est devenu un redoutable VRP, décrochant des marchés internationaux à la pelle pour les entreprises espagnoles. Il ne s’est jamais caché d’avoir reçu de somptueux cadeaux pour ses services rendus à la nation, qui proviennent de dynasties royales avec lesquelles il entretient des relations étroites, ou d’entreprises reconnaissantes : de belles cylindrées dont il raffole, un yacht offert par des sociétés situées aux Baléares, une villa à Lanzarote donnée par son ami le feu roi Hussein de Jordanie et qui sert désormais de lieu de villégiature aux chefs du gouvernement espagnol… Toutes ces gracieusetés appartiennent au patrimoine national. Mais à l’heure où la morale et la rancoeur priment, cet affichage d’exubérance ne passe plus.
Son fils Felipe ne veut plus de ce père encombrant au palais. Même si c’est à lui que l’Espagne doit sa démocratie après quarante ans de franquisme, son intégration à la Communauté européenne, la plus longue période de stabilité et de croissance de son histoire, ses heures glorieuses avec l’Exposition universelle de Séville et les Jeux olympiques de Barcelone en 1992, son ouverture culturelle avec la Movida, sa présence internatio
Juan Carlos a décroché des marchés internationaux à la pelle pour les entreprises espagnoles.