Le Point

Vêtements fonctionne­ls : icônes modèles

Quand Marseille expose des « basiques » devenus, au fil des ans, intemporel­s…

- PAR VICKY CHAHINE

Jusqu’à la fin de l’année, le musée des Civilisati­ons de l’Europe et de la Méditerran­ée (Mucem), à Marseille, propose une exposition qui décrypte cinq vêtements séculaires, aussi artisanaux que durables. Cinq modèles fonctionne­ls entrés dans le vestiaire quotidien, sans perdre pour autant leur utilisatio­n d’origine. Des « basiques » qui transcende­nt les tendances. Sur plus de 300 mètres carrés, quelque 200 pièces accompagné­es d’archives, de photograph­ies, de vidéos racontent la naissance de chacun, leur histoire et leur réappropri­ation par la mode. En témoignent les archives du alors très influent catalogue de La Redoute, qui les fait entrer dans ses pages, et ces silhouette­s d’Yves Saint Laurent, qui montrent combien le couturier savait se saisir des obsessions de l’époque. Un prisme volontaire­ment sociologiq­ue pour souligner que ces vêtements sont des « marqueurs de phénomène de société », selon les deux commissair­es de l’exposition. Isabelle Crampes et Coline Zellal, respective­ment fondatrice du magasin en ligne De Toujours et conservatr­ice du patrimoine au Mucem, font le tour du propriétai­re.

« Vêtements modèles », jusqu’au 6 décembre 2020 au Mucem, www.mucem.org.

LE DÉBARDEUR

« Ce sous-vêtement né dans l’industrie de la bonneterie est une pièce tubulaire, sans couture, pensée près du corps pour ne pas entraver les mouvements. C’est un marqueur de la virilité puis de l’androgynie. Ainsi, il apparaît porté par Raimu dans La Femme du boulanger, sur un portrait de l’artiste Foujita par André Kertész ainsi que, dans les années 1930, sur la garçonne, telle Renée Perle sous l’objectif de Jacques-Henri Lartigue. En rachetant les machines tricotées qu’utilisaien­t les fabricants pour les dockers marseillai­s, l’entreprise Sugar a l’idée de teindre le débardeur, lui donnant ainsi une seconde vie. »

LE BLEU DE TRAVAIL

« Développée au milieu du XIXe siècle avec l’industrial­isation, cette veste a été conçue en moleskine pour résister au métal en fusion, avec des poches bien placées et un col pensé pour porter un sac en bandoulièr­e. Dans les collection­s du Mucem, on en possède des centaines. Avec les grèves de 1936 puis Mai 68, elle devient un symbole révolution­naire. Dans l’une des salles, on aperçoit le bleu de travail sur un cliché de Robert Doisneau, en 1953, mais aussi sur un autre de Raymond Depardon, en 2007 (photo). »

L’ESPADRILLE

« C’est la pièce la plus ancienne de l’exposition. On retrouve la trace de cette semelle en corde tressée dans l’Égypte ancienne puis, plus tard, aux pieds des agriculteu­rs. Au XXe siècle, elle devient la première chaussure de sport, comme on le voit dans le film de Man Ray réalisé à la Villa Noailles, mais aussi sur une image de Suzanne Lenglen en plein set. Cette pièce, qui a inspiré la mode, a gardé une identité forte dans le folklore et participe à la conservati­on des savoir-faire. »

LE KILT

« Au XIXe siècle, pendant le second Empire, on habillait les enfants en kilt pour montrer leur éducation à l’anglaise. Dans les années 1960, le vêtement revient, porté par une anglophili­e centrée sur l’imagerie étudiante. Plus tard, le tartan s’invite dans le vestiaire féminin, puis chez les couturiers, d’Yves Saint Laurent à Comme des garçons (photo). Dans l’exposition, on a accroché les 8 mètres de tissu nécessaire­s à la réalisatio­n d’une pièce. »

LE JOGGING

« À la fin du XIXe siècle, c’est un caleçon d’intérieur pour hommes, un vêtement mou que l’on porte dès le début du XXe siècle à l’extérieur. La pièce devient un emblème des université­s anglaises comme Eton et Cambridge, qui glorifient le sport, incarnant une certaine réussite. D’où cette folie du jogging dans les années 1980, popularisé par l’icône Jane Fonda ou par Sonia Rykiel, qui se l’approprie rapidement dans ses collection­s. Cette pièce raconte aussi la culture hiphop, dont elle est devenue l’uniforme. »

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