Jean-Louis Bianco : « Le personnel éducatif est insuffisamment informé »
Le président de l’Observatoire de la laïcité revient sur le rapport Obin de 2004.
Le Point: Quel regard portez-vous sur le rapport de Jean-Pierre Obin paru en 2004?
Jean-Louis Bianco : Ce rapport sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires » a été publié par la suite sous la forme d’un livre avec comme titre L’École face à l’obscurantisme religieux. Je crois qu’il faut rappeler que les auteurs euxmêmes expliquent que leur panel ne constitue en rien un échantillon représentatif, ils insistent sur un certain nombre de points sans forcément les mettre en perspective. Il faut aussi rappeler que l’on était alors dans une séquence politique différente, en plein dans la commission Stasi, dont les travaux ont abouti à la loi de mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires publics, loi que j’ai votée en tant que parlementaire. Autre point, qui n’est pas un détail, celui du vocabulaire. Le mot « islamiste » ne me paraît pas suffisamment clair, je préfère parler, comme le fait le président de la République, d’« islam politique », qui pour le coup désigne ceux qui sont dans la négation même de la loi de 1905. De la même manière, le « communautarisme » existe sous différentes formes ; là où il est inacceptable, c’est lorsqu’il devient séparatisme. Pour autant, je fais partie de ceux qui considèrent qu’il ne faut rien laisser passer. Ainsi, l’Observatoire de la laïcité a obtenu des mesures sur le renforcement des contrôles de l’enseignement à domicile et la mobilisation des procureurs contre toutes les atteintes aux exigences minimales de la vie en société.
Vous siégez au Conseil des sages de la laïcité. Quel est votre sentiment sur la situation ?
Je vous renvoie à l’étude Ifop réalisée il y a deux ans pour le Comité national d’action laïque et la Ligue de l’enseignement. On constate que, malgré les efforts engagés par le ministère de l’Éducation nationale, le personnel éducatif est encore insuffisamment informé et formé pour faire face à des contestations et remises en question du principe de laïcité. En 2018, environ 74 % des enseignants n’avaient pas bénéficié de formation sur le sujet. Quant à ceux qui avaient été formés, 53% d’entre eux jugeaient la formation de mauvaise qualité. Cela s’explique par le fait qu’on demande aujourd’hui à l’école de tout faire, de tout réparer, et qu’il lui est difficile de lutter contre le racisme et l’antisémitisme, de veiller à l’égalité femmehomme et d’expliquer la laïcité tout en assurant les enseignements… La mauvaise nouvelle que met en lumière cette étude Ifop, c’est la montée effective des tensions sur le terrain éducatif, notamment à l’école primaire – bien souvent du fait des parents – et dans l’enseignement professionnel. Sans doute cela est-il lié au contexte général de tensions dans la société. Cela ne signifie pas pour autant que le problème est général et que ça irait mal partout, mais lorsque cela va mal, on constate souvent une absence totale de mixité sociale, qui conduit à une absence d’interactions sociales et culturelles
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