Évasion : la face B de Nantes
Entre Loire et Erdre, le Champ-de-Mars est devenu le principal vivier de la création à Nantes. Coup de projecteur à l’occasion de l’événement Le Voyage à Nantes.
Au XVIIIe siècle, le Champ-de-Mars n’est encore qu’un faubourg de la ville, une île ceinturée par la Loire, une vaste prairie inondable. Son urbanisation commence avec le comblement d’un bras du fleuve. Pionnière, l’entreprise Lefèvre-Utile (LU) mise sur cet emplacement stratégique, entre la gare et le château, et y installe son usine en 1885. Elle produit des tonnes de biscuits, dont le fameux Petit-Beurre à quatre oreilles et 52 dents, et embaume les alentours d’une délicieuse odeur de gâteau. Au début du XXe siècle, l’activité industrielle et artisanale s’accélère, et le Champ-de-Mars devient l’un des grands foyers ouvriers de la ville. Au fond des cours et des impasses ou à l’abri des venelles, caractéristiques du quartier, des dizaines d’ateliers de filature, des savonneries, des tanneries, des manufactures en tout genre et des compagnies d’omnibus tournent à plein régime. Maraîchers, négociants et particuliers font affaire au bouillonnant marché de gros.
En 1938, la structure en bois qui l’abrite est remplacée par une nouvelle, en béton : le palais du Champ-de-Mars, qui accueille aussi de grandes foires commerciales et des compétitions sportives. À l’époque, un personnage haut en couleur, Aimé Delrue, organise festivités et concours insolites, comme une course de 20 kilomètres limitée à des allers-retours sur une seule rue… Joyeux luron au grand coeur, il fait aussi venir des vaches de la campagne chaque 1er mai pour que les enfants boivent du lait : une tradition qui a d’ailleurs donné son nom au square du Lait-de-Mai.
Au Grenier du siècle, 12 000 boîtes contenant des objets déposés par des particuliers fin 1999 seront remises à leurs descendants… le 1er janvier 2100.
En 1988, la destruction du palais du Champ-de-Mars et le déménagement en périphérie d’usines, à commencer par la biscuiterie LU, sonnent le glas de cette période florissante : le quartier présente vite un visage désolé de friches industrielles et d’habitations délabrées. Le salut vient une dizaine d’années plus tard quand est construite la Cité des Congrès, un ensemble d’immeubles de bureaux et d’habitations dernier cri, incluant des logements sociaux. L’ex-usine LU se voit reconvertie en un centre d’art malicieusement baptisé le Lieu unique. Après avoir été abandonnés ou squattés, les entrepôts désaffectés sont peu à peu réhabilités et transformés en ateliers d’artistes, théâtres, galeries d’art, studios d’architectes, maisons d’édition, sièges de start-up, espaces de coworking, restaurants de jeunes chefs… Un vivier de la création émerge ainsi sur les bases d’une culture ouvrière très forte.
Aujourd’hui en douce gentrification, le coeur du Champ-de-Mars, jusqu’à la chaussée de la Madeleine, conserve une
dynamique associative et un esprit de communauté marqués. Le décor n’a guère changé : les éléments du patrimoine industriel (halles, hangars, écuries…) perpétuent la mémoire ouvrière. Pour les découvrir, il faut oser pousser les grilles, franchir les porches, s’aventurer dans les îlots urbains et les emblématiques venelles au charme désuet qui entretiennent toujours le lien social : cours de l’Olivette ou de la Poule-Noire, passage Douard… Convaincus de leur utilité, les architectes contemporains en ont d’ailleurs repris l’idée : les immeubles les plus récents ont été bâtis sur pilotis afin de créer de nouvelles voies piétonnes à leurs pieds. Certaines mènent directement au trésor en devenir du quartier: le canal Saint-Félix, bordé de péniches et de barges-guinguettes, dont les berges seront végétalisées et aménagées dans le futur. Un projet à l’étude évoque la création d’une plage de sable sur les rives et d’une piscine en plein air près de l’écluse.
LE LIEU UNIQUE
Inauguré le 1er janvier 2000, ce centre d’art accueille toutes les disciplines: théâtre, danse, musique, cirque, ainsi que littérature, cinéma, architecture ou gastronomie. La structure en béton et métal de l’ancienne biscuiterie LU, flanquée de son étonnante tour bariolée, a été laissée en état. Sur place, restaurant, bar avec transats en terrasse. À l’arrière du bâtiment, le Grenier du siècle renferme dans une double paroi visible de la rue quelque 12 000 boîtes contenant des objets personnels déposés par des particuliers fin 1999 et qui seront remis à leurs descendants… le 1er janvier 2100. Quai Ferdinand-Favre, www.lelieuunique.com
MAISONS DU MONDE HÔTEL & SUITES
À dix minutes à pied du Champ-de-Mars, en centre-ville, ce 4-étoiles ouvert il y a un an porte la griffe Maisons du Monde, marque de décoration dont le siège se trouve d’ailleurs tout près de Nantes. Tels des showrooms grandeur nature, les 47 chambres et suites pour 2 à 5 personnes déclinent différents univers : végétal, classique chic, rock, glamour, ambiance scandinave ou tropicale… À partir de 80 € la nuit pour 2 personnes. 2 bis, rue Santeuil, www.maisonsdumondehotel.com
GALERIE PARADISE
Il y a sept ans, deux plasticiens et deux architectes se sont associés pour concevoir ce lieu consacré à la création contemporaine : un haut cube d’acier et de verre qui réunit à la fois des ateliers-logements pour des artistes en résidence venus du monde entier et un vaste espace d’exposition. Une cour extérieure sert également pour les travaux de recherche et pour les installations, performances et événements en tout genre ouverts au public. La galerie présente jusqu’au 28 août une sélection d’oeuvres à l’occasion du lancement des monographies de Béatrice Dacher et Michel Gerson, artistes plasticiens nantais cofondateurs de la galerie. 6, rue Sanlecque, www.galerie-paradise.fr
OMIJA
Le dernier-né des restaurants du quartier porte le nom d’une baie coréenne connue pour associer cinq saveurs. Tout comme elle, la cuisine du chef Romain Bonnet, Nantais d’origine formé chez Pierre Gagnaire, jongle habilement entre le sucré, le salé, le piquant, l’amer et l’acide. Plus française qu’exotique, elle s’appuie sur les produits locaux et de saison. La bonne idée : réserver une table sous la verrière et commander le menu à l’aveugle.
54, rue Fouré, www.omija.fr
BRASSERIE FÉLIX
Sa terrasse au bord du canal Saint-Félix, face aux péniches et à l’impressionnante toute nouvelle gare surmontée d’une passerelle dessinée par l’architecte Rudy Ricciotti, est un spot de rêve en journée, aux beaux jours. Le reste du temps, on se replie dans la salle baignée de lumière pour partager un plateau de fruits de mer ou goûter le tartare maison. Produits du terroir, excellent rapport qualité-prix, service continu : cette brasserie contemporaine a tout bon.
1, rue Lefèvre-Utile, www.brasseriefelix.com