Il faut donner le pouvoir à ceux qui jouent leur peau,
Le gouvernement annonce un plan de relance. Un haut-commissaire au Plan devrait être nommé. La France cesserait-elle de vouloir tirer des plans sur la comète ? Notre État est-il encore crédible ? « Quand on entend parler d’une entreprise ou d’un gouvernement endetté qui s’efforce de “restaurer la confiance” », on perçoit sa fragilité. Par conséquent, « il est condamné », selon le penseur le plus stimulant de notre époque, Nassim Nicholas Taleb.
Son oeuvre devrait être enseignée dans toutes nos écoles. À commencer par l’ENA. L’auteur du Cygne noir a développé un concept qui nous fait cruellement défaut : l’antifragilité. Ou l’art de tirer profit des contraintes, de la volatilité, des crises.
Mieux : de les utiliser pour devenir meilleur. À l’instar de l’hydre antique, dont les têtes se multipliaient lorsqu’on les coupait. Si nous sommes devenus à ce point fragiles, selon Taleb, c’est par excès de précautions. À vouloir favoriser en toute occasion le bien-être, la sécurité et la prévisibilité, nous nous affaiblissons. Comme les enfants soustraits systématiquement aux sources de stress, d’ennui ou de contrariété, nous vivons mal les grosses épreuves. La bureaucratie, le système éducatif et les technocrates produisent des normes qui fragilisent la société française. Le maître-mot des gouvernants est aujourd’hui « protéger ». La paralysie de l’économie a exigé des mesures exceptionnelles. Le plan de relance doit être jugé à une seule aune : rendra-t-il la société française plus antifragile ou non ? Une batterie de mesures étatiques est plutôt un générateur de fragilités multiples. L’État aime bien cautériser les jambes de bois… Ceux qui prennent des risques doivent être plus que jamais tranquillisés en cette période : entrepreneurs, artisans, chauffeurs Uber, artistes… C’est leur prise de risques qui permet l’innovation. Eux savent comme on apprend de ses erreurs.
Si la France veut faire face aux prochains
« cygnes noirs », elle doit donner le pouvoir à ceux qui jouent leur peau. Et le retirer à ceux qui se sont confortablement déchargés des conséquences de leurs actes
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