Olivier Blanchard : « Le plan doit favoriser l’emploi des nouveaux entrants »
«Le virus va demeurer une menace constante jusqu’à l’arrivée d’un vaccin. Une menace contrôlée, certes, mais suffisamment forte pour ralentir durablement la croissance. Certains problèmes disparaîtront grâce à la vaccination, donc probablement avant la fin de 2021. C’est le cas de la crise qui touche l’hôtellerie et la restauration, l’événementiel et la culture. Mais il faut que la plupart de ces entreprises tiennent jusque-là et, sans aide, c’est loin d’être évident. Certains chocs vont être, en revanche, plus permanents. Dans l’aéronautique, par exemple. On peut penser que le modèle du tourisme de masse va souffrir, et il est déjà certain qu’il y aura moins de voyages d’affaires. Et l’avènement du télétravail va avoir de multiples implications, pour les villes, l’immobilier ou les transports. Il faut aider les entreprises touchées à s’adapter. Plus généralement, on vit un traumatisme, une inquiétude, qui peut amener les ménages à être prudents et à dépenser peu et les entreprises à retarder leurs plans d’investissement. Une nouvelle récession potentielle se profile, due cette fois non au Covid-19, mais à la faiblesse de la demande. C’est pourquoi le plan de relance de 100 milliards d’euros que va détailler le gouvernement dans les prochains jours est essentiel. Il me semble que, pour être efficace, il doit remplir quatre missions :
1/ Continuer à protéger les ménages et les entreprises en difficulté. Le maintien des dispositifs de chômage partiel, sous leur forme originelle, ou comme activité partielle de longue durée, tout en réduisant un peu leur générosité, me paraît primordial. Il s’agit d’éviter les faillites inutiles et les licenciements excessifs dans un marché du travail encore déprimé.
2/ Favoriser l’emploi des nouveaux entrants, qui risquent d’être les grands perdants de la crise.
3/ Soutenir la demande, rôle traditionnel de la politique budgétaire comme instrument macroéconomique.
4/ Articuler ces mesures avec celles qui seront nécessaires pour relever les grands défis, en particulier le réchauffement climatique.
Voilà ce que doivent être les grands objectifs. Ensuite, le principal danger à conjurer, c’est que les déficits générés cette année et l’année prochaine ne soient pas perçus comme temporaires, mais comme le début de déficits ad vitam aeternam. Si c’était le cas, les investisseurs pourraient devenir inquiets, exiger une prime de risque, et cela aurait pour effet de faire remonter les taux d’intérêt. Et, dans ce cadre-là, la relance de l’économie deviendrait très compliquée… » ■