Le Point

Vanessa Paradis, la fée Clochette du cinéma

Elle préside la 46e édition du Festival du cinéma américain de Deauville, qui se tiendra du 4 au 13 septembre. Rencontre avec l’ex-lolita des années 1980, devenue lumineuse « résistante » au service de « la grande Toile ».

- PAR VIOLAINE DE MONTCLOS

En 1998, sur le tournage de La Fille sur le pont, deux grands gamins pouffent dans les toilettes d’un hôtel. Lui, Patrice Leconte, 51 ans, a réalisé Les Bronzés, Tandem, le formidable Ridicule, mais son dernier film, Une chance sur deux, vient d’essuyer un échec cuisant. Elle, Vanessa Paradis, 26 ans, muse successive d’Étienne Roda-Gil, de Serge Gainsbourg et de Lenny Kravitz, a déjà à son actif quatre films et surtout trois albums couronnés d’un immense succès. Crucifiée à ses débuts sur scène, haïe autant qu’adulée d’avoir connu une gloire trop précoce – elle avait 14 ans lorsqu’elle interpréta Joe le Taxi –, elle s’est relevée avec un indéniable cran de cette vague de détestatio­n si typiquemen­t française. Voilà, ces deux-là, qui ont déjà vécu mille vies, se gondolent, car ils se sont promis, comme des mômes, un échange de secrets. Celui de Vanessa Paradis, murmuré à l’oreille du réalisateu­r, c’est qu’elle attend son premier enfant de Johnny Depp, grossesse qu’elle a sans doute dissimulée aux assureurs du film. Celui de Leconte, c’est qu’il a Groucho Marx tatoué sur la fesse gauche, bizarrerie qu’il veut bien, potache, dévoiler à sa jeune actrice. On n’était pas sérieux, dans les années 1990, sur les plateaux du cinéma français…

Patrice Leconte a aujourd’hui 72 ans, Vanessa Paradis en a 47, il la surnomme encore la « fée Clochette » et leur amitié n’a jamais cessé. « Elle a une grâce, une légèreté incroyable­s, tout ce qu’elle touche devient joyeux, dit-il. Elle a été tellement détestée… Sa revanche, c’est cette gaieté. » Bruno Barde, directeur du Festival du film américain de Deauville, a proposé à la chanteuse et comédienne la présidence de cette édition 2020 bien avant la crise du Covid-19, mais c’est peu dire que ce don pour la résilience et cette joie de vivre qu’évoquent la plupart de ceux qui la connaissen­t sont aujourd’hui les bienvenus… Déjà secouée par la révolution #MeToo, bousculée surtout par les plateforme­s de vidéo à la demande, l’industrie du cinéma vient de subir avec la pandémie la plus grave crise de son histoire, une crise dont nul ne connaît encore à vrai dire l’issue. Vanessa Paradis aura donc la difficile tâche de présider l’un des rares festivals de cinéma ayant survécu à cette année étrange.

Pygmalions. Quand nous la rencontron­s, avant qu’elle apparaisse, c’est d’abord sa voix qu’on entend au bout du couloir, cette voix tellement identifiab­le, traînante, un peu enfantine, raillée à ses débuts, mais dont elle a su assumer le timbre si particulie­r. Et voici la « fée Clochette », brindille noyée dans des vêtements trop larges, courtoise et concentrée, silhouette délicate dégageant une force surprenant­e. « Je crois qu’il y aura toujours des résistants de la grande Toile », répond-elle simplement alors qu’on l’interroge sur la révolution de la VOD. « D’ailleurs, il y a encore aujourd’hui des résistants de la pellicule… Quand les gens vont dans une salle, qu’ils se retrouvent devant cet écran immense, avec ce son grandiose dans les oreilles, ils vivent toujours un plus grand moment de cinéma que s’ils étaient restés chez eux. »

Sa première passion à elle, c’est la chanson. Elle y a débuté toute jeune fille, personnali­té d’abord un peu effacée par ce que ses pygmalions successifs ont projeté sur elle, mais, un album après l’autre, elle a repris les rênes. « Au début de sa carrière, je crois qu’elle était un peu considérée comme une enfant, une princesse, un réceptacle vide… Or elle est exactement l’inverse,

« Elle a une grâce, une légèreté incroyable­s (…). Elle a été tellement détestée. » Patrice Leconte

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