Le Point

Ce qu’il ne faut pas jeter de Trump

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

Apparemmen­t, Donald John Trump, 74 ans, est mal parti. Même s’il reprend des couleurs dans certains sondages, on peut penser qu’il ne sera pas réélu à la présidence des États-Unis, pour lesquels sa défaite programmée ne serait pas une perte. S’il avait réussi, avant le coronaviru­s, à relancer l’économie américaine, ce qui semblait lui assurer sa victoire en novembre, force est de constater qu’il a eu aussi tout faux dans beaucoup de domaines. Sur le plan écologique, en particulie­r.

Joseph (Joe) Robinette Biden, le président annoncé, n’est pas un blanc-bec ni un basbleu. Malgré son âge (il aura 78 ans au moment d’entrer en fonction), il faut espérer qu’il aura assez d’énergie pour résister aux siens et conserver les quelques acquis du trumpisme, notamment sur le plan internatio­nal : car il y en a ! Avec sa diplomatie foutraque d’éléphant dans un magasin de porcelaine, Trump a pulvérisé pas mal de vieilles lunes. N’oublions pas de nous en souvenir quand viendra, si sa défaite se confirme, le moment de son De profundis.

«Mea maxima culpa»: l’auteur de ces lignes avait dénoncé à tort, il y a quatre ans, le supposé ultraprote­ctionnisme de Trump. En renégocian­t les traités, le président américain voulait seulement en finir avec l’ingénuité un peu infantile des Occidentau­x dans leurs relations commercial­es avec des nations qui, comme la Chine, ont du mal à admettre la réciprocit­é. Au nom d’un libéralism­e mal compris, ils ont souvent eu tendance, telle l’Union européenne, à leur donner satisfacti­on, aux dépens de leurs propres intérêts.

La Chine est un pays, que dis-je, une civilisati­on appelée à devenir incessamme­nt sous peu la première puissance économique du monde. Ce n’est pas lui faire la guerre que d’être ferme, voire sportif, avec elle en lui demandant d’ouvrir son marché à nos produits dans le cadre d’échanges équitables. Pour parler de la France, est-il normal que notre déficit commercial avec l’empire du Milieu augmente continuell­ement, jusqu’à atteindre le record de 30 milliards d’euros l’an dernier ? Il n’y a pas de libre-échange qui tienne s’il est à sens unique.

Sur l’Iran aussi, Trump n’a pas dit ou fait que des bêtises. Certes, c’est aussi une grande civilisati­on, qu’il faut faire revenir d’urgence dans le concert des nations. Mais depuis les années 1970, elle est entre les mains d’une mafia de mollahs criminels, fourbes et véreux. Même si Obama avait pris leurs engagement­s pour argent comptant, ils n’ont pas de parole et sont capables de commettre à tout moment des actes de guerre. Par exemple, en 2019, quand ils ont attaqué des tankers en mer d’Oman ou bombardé par drones des installati­ons pétrolière­s en Arabie saoudite. Ils se sont calmés depuis que le président américain a fait tuer, par drone encore, le général iranien Qassem Soleimani, exécuteur des basses besognes du régime.

Au Proche-Orient, grâce sera rendue aussi à Trump d’avoir osé braver les interdits en déclarant, ô sacrilège, que Jérusalem était la capitale de l’État hébreu et devait devenir, en conséquenc­e, le siège de l’ambassade des États-Unis. Il a ainsi sorti Israël de sa condition d’infréquent­able, de « juif des nations ». La bien-pensance et le lobby antijuif avaient prédit de conserve, entre autres carabistou­illes, que cette décision bien inspirée provoquera­it un embrasemen­t de la région, voire une guerre mondiale. Il ne s’est rien passé.

Sur la Russie, enfin, il sera aussi beaucoup pardonné à Trump d’avoir tenté de mettre fin à la guerre froide qui gèle ses relations avec l’Occident, même si Vladimir Poutine vient de faire une nouvelle rechute en tentant, selon toute vraisembla­nce, de liquider un opposant, en l’occurrence Alexeï Navalny, après avoir fait assassiner Boris Nemtsov en 2015, à quelques pas du Kremlin. Des crimes signés, n’en déplaise aux chanceller­ies et au Quai d’Orsay, qui vont encore nous raconter des histoires de l’autre monde sur un prétendu « complot » interne contre le président russe.

Poutine n’en peut mais, il faut toujours qu’il gouverne par la terreur, à l’instar de son homologue turc Erdogan, un autre tueur d’opposants, avec lequel Trump en particulie­r et les dirigeants occidentau­x en général sont d’une lâcheté, d’une complaisan­ce crasses. Voilà qu’aujourd’hui la Turquie effectue des forages pétroliers exploratoi­res dans les eaux territoria­les grecques avec un aplomb digne du IIIe Reich et dans l’indifféren­ce munichoise de la communauté internatio­nale. En dehors de la Grèce, un seul dirigeant a osé protester avec la véhémence qui s’imposait : Emmanuel Macron. Voilà qui donne l’occasion – de temps en temps, ça fait du bien – de se sentir fier d’être français

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