Le Point

« Bien faire et laisser braire »

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Si je tiens de ma mère un solide Surmoi qui, dans ma façon d’être, a refoulé le Ça et peut-être même le Moi, mon père m’a transmis le côté taiseux qu’on prête aux gens du Haut-Doubs. Dans ma vie politique, j’ai ainsi fait mienne sans trop de difficulté­s la devise des tabors marocains : « Bien faire et laisser braire. »

Évidemment, cela peut paraître bizarre chez un homme qui a consacré une grande part de sa vie à la politique, mais je me suis toujours appliqué une forme de réserve : « Un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l’ouvrir, ça démissionn­e », cet adage, dont la portée allait bien au-delà d’un simple rappel de la nécessaire unité de l’État, est à peu près tout ce dont beaucoup de gens se souviennen­t à mon propos. Ils ont complèteme­nt oublié le contexte dans lequel j’ai prononcé ces fortes paroles, en février 1983, quand l’industrie française pouvait encore, selon moi, être sauvée. […]

Mes parents en effet étaient tous deux instituteu­rs. […] J’oublierais un point essentiel si je ne mentionnai­s pas que dans ma famille, du côté de mon père comme de ma mère, on était croyant. Face à la Suisse calviniste, l’Église avait édifié le Haut-Doubs comme une forteresse catholique. La religion y imprégnait encore, dans la première moitié du siècle dernier, toutes les attitudes : il en résultait une droiture et une rigueur morales qui tempéraien­t les conviction­s plutôt réactionna­ires des hommes et la fréquente bigoterie des femmes.[…]

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