Isabelle Saporta pulvérise les technos !
Dans un livre choc, elle pourfend la « caste qui paralyse notre pays ».
Habituée à crapahuter en France pour dénoncer les lobbys, personnalité au caractère bien trempé, engagée en politique – à gauche – , Isabelle Saporta s’attaque désormais à « la caste qui paralyse notre pays ». Dans son nouveau livre (1), la journaliste sonne la charge contre ces « premiers de la classe, défaillants, arrogants et menteurs » qui mettent la France en coupe réglée et nous infantilisent, en visant en premier lieu les fonctionnaires de la territoriale. « On nous a tellement coupé les ailes, confie l’une d’entre eux, on nous a tellement donné de coups quand on osait s’émanciper des règles édictées par l’État central que, désormais, on attend la circulaire comme on attendrait l’oracle. »
Pour Saporta, « la France et ses 400 000 normes », c’est devenu « un marqueur identitaire : au même titre que notre amour de la bonne chère, nos grands vins ou nos fromages au lait cru ». La journaliste sera peutêtre accusée d’être un brin démagogue lorsqu’elle prend le parti des « délaissés du système », les banlieusards et les ruraux, pour mieux accabler ces technos qui nous gouvernent. Mais elle a du style, sait puiser aux bonnes sources (parfois Le Point) et a le courage de penser contre son camp en enfourchant l’un des chevaux de bataille préférés de la droite libérale. Sabre au clair, elle dénonce le règne de l’entresoi au sommet du pays, vilipende ces pratiques de gouvernance absurdes – comme on l’a vu dans la gestion de la crise du Covid – qui conduisent, par exemple, tel président de région à dissimuler à son préfet l’achat de masques : « Sinon il me les aurait piqués ! » affirme l’élu. L’autrice accuse une technostructure qui « s’est très vite tétanisée et a mis toute son énergie à couvrir ses arrières, à préparer les futurs procès, plutôt qu’à agir ». C’est enlevé, truffé de témoignages édifiants glanés partout au royaume d’Ubu. « En France, s’irrite Isabelle Saporta, quand ça fonctionne, c’est qu’“on” – citoyens, élus locaux, fonctionnaires territoriaux, profs, médecins… – a réussi, par je ne sais quel miracle d’intelligence, à contourner le cadre trop strict imposé par la technostructure pour essayer vaille que vaille de tracer un chemin de bon sens, au risque d’être hors des clous et de se faire taper sur les doigts. » Pas faux
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1. Rendez-nous la France !, d’Isabelle Saporta (Fayard, 18 €).