Le Point

Chaque fin août, avec une grâce de métronome, Amélie Nothomb réapparaît. Rencontre à fleurets mouchetés.

- PAR SOPHIE PUJAS

Ce n’est pas sans quelque inquiétude qu’on s’apprête à interviewe­r Amélie Nothomb. Après tout, dans son oeuvre, la conversati­on est souvent un art du duel – depuis Hygiène de l’assassin, sa fracassant­e entrée en littératur­e en 1992. Les Aérostats, son 29e roman publié (elle en laisse une bonne partie dans ses tiroirs, et le 99e est en cours d’écriture), ne fait pas exception à la règle. Comme souvent chez elle, les dialogues ont la part belle, et ils sont affûtés comme des lames. Pour autant, on avait tort de s’inquiéter – Amélie Nothomb est d’une délicieuse courtoisie. La preuve, elle continue à ne pas déroger à la règle vertigineu­se qu’elle s’est fixée : répondre à l’abondant courrier qu’elle reçoit (« Je n’écris pas plus de vingt lettres pas jour, sinon c’est à perdre raison», avoue-t-elle). Et pourtant. Elle raconte : « J’ai récemment reçu une lettre confondant­e de vérité d’un jeune lecteur. Il m’a dit : “J’ai regardé toutes vos interviews, ce qui me frappe, c’est que vous êtes toujours en colère”. » Et de glisser dans un sourire exquis : « Et moi qui croyais que je le cachais si bien ! »

Dans les livres, pas toujours. Les Aérostats racontent un double éveil : à la jeunesse et à la littératur­e. D’un côté, Ange, une jeune fille (trop) rangée, étudiante en philologie, qui vit à Bruxelles. De l’autre, Pie, fils d’un richissime et douteux « cambiste » tout juste rentré des îles Caïmans. Ce dernier demande à l’étudiante de donner des cours de français à son rejeton réticent, et doué d’un cinglant sens de la répartie. Elle va l’initier à la grande littératur­e, en usant d’un « sacré coup de poker» : lui faire lire des chefs-d’oeuvre. Amélie Nothomb souscrit à la méthode. « Ce qu’il faut faire lire à un jeune qui n’en a pas l’habitude, c’est du génial ! Lui mettre entre les mains du tiédasse mais du facile, c’est une erreur. Même quand ça ne marche pas, sa réaction sera intéressan­te ! » Elle sait de quoi elle parle. Non seulement elle a par le passé été répétitric­e pour des jeunes gens, mais elle reçoit de nombreuses lettres d’adolescent­s : « Pie est le condensé de beaucoup de jeunes gens à qui j’ai donné des cours ou avec qui j’ai échangé, et je n’ai inventé aucune de ses réactions. » Miracle : voilà Pie qui dévore Homère, se passionne pour Kafka, s’énerve contre Julien Sorel, le héros du Rouge et le Noir. Ange, elle, va enfin prendre vie. Nothomb a mis beaucoup d’ellemême dans le portrait. « J’ai mis un siècle à devenir jeune ! À 19 ans, j’étais d’un sérieux effrayant – à peine vivante. »

« En mettant sa plume au service des plus démunis, un homme se remémore son enfance miséreuse. Un roman qui touche au coeur. »

« Armés d’une plume au style minimalist­e et sans pathos, le narrateur et Mohammed Aïssaoui nous amènent à découvrir ces funambules que nous sommes tous. Un livre incontourn­able, un de mes coups de coeur de cette rentrée littéraire. »

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