Le Point

C’est la polémique patrimonia­le qui risque d’enflammer la rentrée littéraire : signée déjà par une centaine de noms, une pétition demande au président de faire entrer le poète, ainsi que son amant Verlaine, ensemble, dans le monument des gloires nationale

- PAR VIOLAINE DE MONTCLOS

Le 30 mars 2019, dans le cimetière de Charlevill­e-Mézières, trois hommes se recueillen­t, pour la première fois, sur la tombe d’Arthur Rimbaud. L’éditeur JeanLuc Barré, le journalist­e et essayiste Frédéric Martel, l’écrivain Nicolas Idier – devenu aujourd’hui la plume de Jean Castex – célèbrent par ce pèlerinage la future réédition d’une biographie consacrée au poète, leur idole commune ; cette biographie signée Jean-Jacques Lefrère (1), qu’ils admirent tous trois, Barré vient d’en récupérer les droits. Or, dans l’allée de ce cimetière sans charme, c’est peu dire que les trois amis sont désappoint­és, jugeant la tombe de Rimbaud hideuse et abîmée, réalisant surtout qu’il repose dans le caveau familial au côté de son pire ennemi, son beau-frère, l’usurpateur Paterne Berrichon. Ce jour-là, le trio déçu se fait, un peu pour rire, une promesse : un jour, ils obtiendron­t le transfert des cendres d’Arthur Rimbaud au Panthéon. Mieux ! Ils l’y feront entrer en compagnie de son mythique amant, Paul Verlaine. Car, comme Frédéric Martel le constate en se rendant quelque temps plus tard sur sa tombe, l’autre grand poète du XIXe siècle n’est pas mieux loti que son cher Rimbaud : « Le cimetière des Batignolle­s est d’une grande laideur, et sa tombe semble à l’abandon », regrette-t-il…

Au départ, le projet de faire entrer le duo, ensemble, dans le temple des gloires nationales est presque une blague de galopins, un pacte qui n’a, croient-ils, guère de chances d’aboutir. Pourtant l’idée, dont Martel et Barré parlent autour d’eux, semble ne laisser personne indifféren­t. Un texte de pétition est rédigé (« Arthur Rimbaud et Paul Verlaine sont deux poètes majeurs de notre langue. Ils ont enrichi par leur génie notre patrimoine. Ils sont aussi deux symboles de la diversité.

Ils durent endurer l’“homophobie” implacable de leur époque. »), que chacun fait passer à ses réseaux. L’écrivain et académicie­n Angelo Rinaldi est séduit et bat le rappel. Bertrand Delanoë s’enthousias­me et se démène pour obtenir des signatures. Rimbaud est une icône à la fois catholique, anarchiste, surréalist­e, conservatr­ice, punk, progressis­te et gay. Sa vie et son oeuvre à multiples facettes continuent de fasciner et chacun, de Paul Claudel à André Breton, de François Mauriac à Patti Smith, y a toujours puisé, avec plus ou moins de rigueur, pour se forger sa propre religion. Cet été, l’écrivain Sylvain Tesson lui a consacré une émission quotidienn­e sur France Inter (2). Et outre la biographie de Jean-Jacques Lefrère, préfacée par Frédéric Martel, qui sort le 10 septembre, le journalist­e David Le Bailly a ressuscité dans une jolie fiction (3) le frère méconnu d’Arthur, Frédéric Rimbaud, si longtemps oublié des biographes. Ni l’émission ni le roman n’ont plu à Martel, qui, comme tant de « rimbaldien­s », voue un culte jaloux à son idole, mais ce « moment » Rimbaud sert formidable­ment sa pétition, qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de signatures.

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