Yelle est pas belle, la vie ?
De Saint-Brieuc aux grandes scènes américaines, le duo qui a lancé la tecktonik revient après six ans d’absence avec L’Ère du Verseau.
C’est l’heure d’enfiler vos habits de lumière et de monter sur la piste de danse ! Le groupe qui a popularisé la tecktonik en 2007 (souvenez-vous de ces jeunes à coupe mulet réalisant des chorégraphies sur de la musique électronique dans des décors industriels) fait son grand retour après six ans d’absence. Propulsé au firmament de la célébrité en 2005 grâce au très piquant Je veux te voir, posté sur MySpace en réponse aux paroles machistes de certains groupes de rap et vite devenu viral, Yelle (acronyme de You Enjoy Life, au féminin) a été créé par Julie Budet (dont la voix et les costumes pop acidulés rappellent Lio) et Jean-François Perrier (alias Grand Marnier). Après trois albums et des tournées autour du globe (dont trois passages par le prestigieux festival américain de Coachella et une tournée avec Katy Perry en Angleterre), c’est un des groupes français qui marchent le mieux à l’étranger. Drew Barrymore et David Hasselhoff sont fans et viennent à tous ses concerts.
«Aux États-Unis, tout s’est enchaîné facilement pour nous, explique Julie Budet au Point. Artistes de la semaine sur MTV, la chaîne passait nos morceaux à chaque coupure de pub. Je pense qu’on est arrivés à un moment où, avec l’apparition d’Internet, les gens se sont tout à coup mis à chercher des morceaux dans le monde entier, sans passer par le circuit classique des labels. Or il y avait peu de groupes faisant de la pop électronique en français. On utilise des mots simples et catchy, donc les gens peuvent passer un bon moment sans comprendre les paroles. »
« Nous avons toujours envie de légèreté et de faire danser. C’est un album voilé, sur lequel une brume s’est posée. Mais ça chaloupe toujours un peu ! » Julie Budet
Flûte traversière. Leur troisième album, Complètement fou, a même été produit par Dr. Luke, le compositeur des plus gros tubes des années 2000, de I Kissed a Girl (Katy Perry) à Circus (Britney Spears). « C’était très intéressant de travailler avec lui, car les Américains ont un mode de fonctionnement très différent du nôtre : ils partent de zéro en studio, et commencent toujours par la mélodie, alors que nous, on favorise les mots », se souvient-elle.
En 2014, épuisés par les tournées, ils ont eu besoin de repos. Ils se sont retirés dans la baie de Saint-Brieuc, en Bretagne (d’où la chanteuse est originaire). « C’est notre port d’attache, explique-t-elle. Quand on tournait à l’étranger, c’est toujours ici qu’on revenait. C’est de plus
Après ce hiatus de six ans, ils sont sortis plus mûrs de leur chrysalide. Leur nouvel album a des rythmes plus subtils, mid-tempo, la voix de Julie Budet renaît chargée d’Auto-Tune… Le clip minimaliste de leur single Je t’aime encore a été réalisé par Loïc Prigent, avec la participation du coiffeur Charlie Le Mindu (connu pour les coiffures exubérantes de Lady Gaga). Cette ballade pop aux accents de dancehall, véritable lettre d’amour à la France, contraste avec les morceaux extrêmement dansants aux beats lourds (Emancipense). Aussi efficaces que la potion magique d’Astérix, certains nous font même faire des bonds dans notre salon (Noir). D’autres sont carrément provocateurs, comme J’veux un chien, une chanson sur la sexualité sado-maso. « Jean-François et moi sommes moins naïfs et plus mélancoliques, confie Julie. Mais nous avons toujours envie de légèreté et de faire danser. C’est un album voilé, sur lequel une brume s’est posée. Mais ça chaloupe toujours un peu ! On est de grands danseurs, presque sportifs. D’ailleurs, on fréquente beaucoup les fest-noz… On a été influencés par les musiques traditionnelles bretonnes, comme celle des soeurs Goadec, très répétitive, qui induit une transe. » Comme la tecktonik ? « La tecktonik est plus qu’une danse, c’est un mouvement issu de la banlieue, et plus particulièrement de la boîte de nuit le Metropolis, avec des codes, des coupes de cheveux, des vêtements… Il y a eu beaucoup de moqueries, mais j’ai toujours trouvé que leur succès était une fabuleuse revanche de classe. Il y a quelques années, à un concert au Mexique, il y avait encore des petits jeunes qui dansaient la tecktonik. Je vous assure que la tecktonik est un mouvement qui vit encore ! »
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L’Ère du Verseau (sortie le 4 septembre chez Recreation Center/ Idol). En concert le 29 octobre à La Cigale (complet).
À 29 ans, le Nigérian Damini Ebunoluwa Ogulu, alias Burna Boy (photo), replace l’Afrique au centre du monde. Dans son cinquième album, sorti vendredi, ce chantre du panafricanisme veut briser les clichés sur son continent et rassembler les Noirs de la planète avec samusiqueglobale,unmélange de pop, d’afrobeat, de hip-hop, de reggae… De « l’afro-fusion », c’est ainsi qu’il définit son style, produit par Puff Daddy. Un mélange des styles et des langues : il passe de l’anglais au yoruba et invite sur ses titres Chris Martin (chanteur de Coldplay), Sam Smith, Youssou N’Dour, Anderson. Paak, Timbaland… C’est un peu le Chimamanda Ngozi Adichie (autrice nigériane célébrée partout dans le monde) de la musique. Beyoncé les a d’ailleurs tous les deux honorés en samplant un discours de l’écrivaine et en invitant Burna Boy sur sa bande originale du Roi lion. Le titre de son précédent album était prémonitoire : il est bien devenu un « African Giant »
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Twice as Tall (Warner).
Siglo, de Ragnar Jonasson. Traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün (La Martinière, 352 p., 21 €).
Si Siglo est un adorable port de pêche islandais de carte postale, Siglo est aussi le titre de la sixième « enquête de Siglufjordur » écrite par Ragnar Jonasson, un Viking de 44 ans. Tout se déroule dans un village en vase clos – qui est à son inspecteur, Ari (il vient d’être promu), ce que St. Mary Mead est à Miss Marple –, ceint par des montagnes, avec pour seul point de fuite la mer. Ici, tout peut arriver. Comme retrouver Unnur Svavarsdottir ratatinée au sol dans la rue. La lycéenne de 19 ans (on va au lycée jusqu’à 20 ans en Islande) est-elle tombée d’un immeuble, s’est-elle jetée, ou a-t-elle été poussée ? Ari, grâce au hasard et à sa façon singulière d’interroger tout le monde sur tout, découvrira que l’infamie, si elle ne prend pas forcément la forme de l’assassinat, peut aussi ruiner la vie d’une jeune fille comme il faut
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