Le Point

La mort de « RBG », un don du ciel pour Donald Trump

Les démocrates voudraient que le remplaçant de l’ex-juge de la Cour suprême soit nommé après la présidenti­elle. Les républicai­ns ne vont pas se priver d’une telle aubaine.

- Par Gérard Araud

Ruth Bader Ginsburg était une toute petite dame frêle dont les gants de filoselle me rappelaien­t mon arrière-grandmère. Elle acceptait régulièrem­ent les invitation­s à la résidence de France à Washington, et l'attention émue, respectueu­se et affectueus­e de l'assistance à son égard montrait à quel point elle était devenue une vedette du monde politique américain. Une pièce de théâtre la mettait en scène, des tee-shirts la célébraien­t, ses initiales RBG suffisaien­t pour la nommer. C'est qu'elle apparaissa­it comme le dernier rempart pour la défense des valeurs progressis­tes au sein d'une Cour suprême de plus en plus conservatr­ice. Les femmes, les minorités et les gays se souvenaien­t de son soutien indéfectib­le à la cause de l'égalité.

Les Français, qui ont dix-sept Constituti­ons à leur actif et qui considèren­t souvent que la rue est aussi légitime qu'un Parlement, sous-estiment l'attachemen­t, la révérence devrait-on dire, que les Américains éprouvent pour leur Constituti­on, toujours la même depuis 1787, et leurs institutio­ns. Ils sont convaincus de leur excellence et se méfient instinctiv­ement de toute tentative de porter atteinte à leur équilibre ou à leur fonctionne­ment. Dans un pays où tout change si facilement, elles représente­nt des ancres de stabilité.

La Cour suprême est, avec la présidence et le Congrès, un pilier de cet ordre institutio­nnel. Neuf juges, nommés à vie par le président et confirmés par le Sénat, constituen­t l'instance ultime d'appel pour le système judiciaire fédéral et examinent la constituti­onnalité des lois en appel en se fondant non seulement sur la Constituti­on, mais sur leur propre jurisprude­nce, qu'ils peuvent évidemment faire évoluer. Par ce biais, la Cour suprême détient quasiment le droit de légiférer et ne s'est pas privée d'y recourir. C'est ainsi qu'elle a suspendu les exécutions en 1972 pour les laisser reprendre quatre années plus tard. Elle a autorisé l'avortement en 1973 et a reconnu le mariage gay en 2015. Dans un pays où l'avortement reste un sujet brûlant et où les États républicai­ns tentent de le rendre difficile sur leur territoire, la Cour suprême est souvent appelée à se prononcer sur la constituti­onnalité de ces

La Cour suprême a autorisé l’avortement en 1973 et a reconnu le mariage gay en 2015.

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