Le Point

La résistance génétique : une piste prometteus­e

- G. W.

La betterave est l’une des espèces végétales les plus étudiées, les semenciers consacrant autour de 18 % de leur chiffre d’affaires à la recherche de variétés robustes. Lorsque paraissent les premiers travaux pointant les problèmes des néonicotin­oïdes, en 2012, un vaste projet (Aker) mobilise 80 chercheurs afin de recenser l’ensemble de la diversité génétique de la betterave dans le monde. « Nous avons identifié des souches résistante­s à la jaunisse dans cette banque de gènes, qui compte 10 000 individus », explique François Deprez, président du groupe Florimond Desprez. Mais le chemin pour aboutir à une semence résistante est laborieux... Dans les champs d’essais du groupe, près de Lille, Nicolas Henry nous reçoit bottes aux pieds.

« Nous avons planté ici un millier de variétés et leur avons inoculé le virus en déposant, à la main, 100 000 pucerons virulifère­s sur les plants. À la fin de la campagne, certains sont restés sains. » Le défi des chercheurs est de parvenir à croiser les espèces jusqu’à ce que le gène de résistance subsiste dans une betterave « d’élite ».« Si nous pouvions utiliser les techniques d’édition du génome, il suffirait d’insérer proprement cette résistance dans nos meilleures betteraves, et ce serait fait en deux ans. » Mais l’Europe interdit les outils d’ingénierie génétique (comme la technique des ciseaux moléculair­es Crispr-Cas9), considérés comme des OGM. Il faut donc employer les méthodes traditionn­elles. « Or la betterave est une plante bisannuell­e : pour qu’elle se reproduise, il faut attendre deux ans sa floraison. » Concrèteme­nt, un premier croisement est réalisé entre une betterave hyperperfo­rmante et une autre résistante au virus. Le marquage moléculair­e permet de vérifier que leur descendanc­e est porteuse du gène de résistance. Ensuite, pour éliminer les « mauvais gènes » de la plante donneuse et conserver les meilleures propriétés de la receveuse, des croisement­s sont nécessaire­s. Une autre difficulté s’ajoute : il faut protéger les plantes contre trois souches du virus de la jaunisse présentes en France. « Nous en sommes au stade des premiers croisement­s et sommes certains d’y arriver », assure François Desprez. Mais cela prendra au moins cinq ans. »

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