Le Point

Un ouvrage exceptionn­el retrace cinquante ans de l’histoire du journal. Et de la censure. À mettre entre toutes les mains.

- PAR ÉTIENNE GERNELLE

Disons-le, ceci est un manuel d’éducation : un demi-siècle de Charlie Hebdo. La bible de la liberté d’expression, si on ose cette image particuliè­rement mal placée, étant donné la tendance « bouffeur de curé » du journal. Ce gros et beau livre qui retrace une histoire aussi jubilatoir­e que mouvementé­e n’a rien d’un gentil album colorié. Ça dépote, ça fouette, ça dérouille. Il y en a pour tout le monde : les politiques, bien sûr, les religieux (tous), les censeurs, mais aussi la télévision et les journaux (dont Le Point), sans oublier Charlie et les siens, car charité – pardon pour cette seconde métaphore religieuse – bien ordonnée commence par soi-même.

Un exemple ? À la mort de l’une de ses figures, Cavanna, connu pour son amour des animaux, le journal publie un dessin représenta­nt un chien disant, un os dans la gueule : « Il m’a légué son fémur »… Avis aux offusqués, susceptibl­es et douillets

de la blague en tout genre : chez Charlie, on ■ n’épargne personne. Ce splendide et hilarant guide de savoir-vivre sort la semaine prochaine. On y découvre des dessins, des articles, des éditos ou des reportages que l’on ignorait, sous les plumes et crayons des grands anciens, Cavanna – quel style ! –, Gébé, Cabu, Wolinski ou le Professeur Choron, jusqu’à Riss, Coco, en passant par Philippe Val, Caroline Fourest, Charb et bien d’autres. On y retrouve aussi les fameuses caricature­s de Mahomet, les moments importants de la vie du journal, comme l’incendie de 2011 (avec la une «barbecue»), mais aussi des lettres d’insultes ou de menaces.

Censure à la papa. En plein procès des attentats de janvier 2015, la sortie de ce livre permet de remettre les choses à leur place. « Si après ça les gens n’ont pas compris ce qu’était Charlie », rigole Riss, le patron de l’hebdo. La rencontre a lieu, bien sûr, dans un lieu discret et sous protection policière. Un dessinateu­r plus entouré de pandores qu’un ministre. Comment en est-on arrivé là ?

Justement. Charlie Hebdo. 50 ans de liberté d’expression, publié par la maison d’édition du journal, Les Échappés, rappelle le monde d’où nous venons. Au commenceme­nt était la censure à la papa. Dès son numéro 94, Hara-Kiri Hebdo (ancêtre de Charlie) était banni des kiosques. Le motif ? Cette célébrissi­me une à la mort de De Gaulle et cette manchette : « Bal tragique à Colombey – 1 mort », en référence à un incendie qui avait fait 146 victimes dans une discothèqu­e la semaine précédente. Humour noir, colère noire Place Beauvau, qui fait interdire le journal en exhumant une loi de 1949… sur la protection de la jeunesse. Dès la semaine suivante,

 ??  ??
 ??  ?? Collector.
« Charlie Hebdo.
50 ans de liberté d’expression »
(Les Échappés, 328 p., 39 €). À paraître le
1er octobre.
Une incroyable sélection d’articles, d’éditos, de reportages et de dessins. Ci-contre, la fameuse une du « Hara-Kiri » du 16 novembre 1970, qui entraîna l’interdicti­on de « l’hebdo bête et méchant ».
Collector. « Charlie Hebdo. 50 ans de liberté d’expression » (Les Échappés, 328 p., 39 €). À paraître le 1er octobre. Une incroyable sélection d’articles, d’éditos, de reportages et de dessins. Ci-contre, la fameuse une du « Hara-Kiri » du 16 novembre 1970, qui entraîna l’interdicti­on de « l’hebdo bête et méchant ».
 ??  ??
 ??  ?? Irrévérenc­e.
En haut, le 7 février 2007, alors que s’ouvre le « procès des caricature­s ».
En bas, la une du 29 octobre 1973.
Irrévérenc­e. En haut, le 7 février 2007, alors que s’ouvre le « procès des caricature­s ». En bas, la une du 29 octobre 1973.
 ??  ?? Signé Wolinski.
Les 100 ans de la laïcité vus par Wolinski.
Signé Wolinski. Les 100 ans de la laïcité vus par Wolinski.

Newspapers in French

Newspapers from France