Le Point

« Le dieu vivant des espaces désertique­s »

- PAR DENIS VILLENEUVE

Dune s’ouvre sur un léger vertige : l’humanité a survécu à quelque vingt millénaire­s lorsque Paul Atréides voit le jour. Cette promesse apparaît encore plus troublante aujourd’hui alors que nous savons que notre monde vacille en silence. Nous entendons quotidienn­ement les échos apocalypti­ques des scientifiq­ues qui prédisent un effondreme­nt de l’équilibre de nos écosystème­s, mais nous ne bronchons qu’à peine, convaincus que notre maîtrise de la technologi­e viendra à bout de la nature. Nous avons toujours aimé défier les dieux. À l’évidence, nous avons perdu notre rapport sacré au monde. C’est une des raisons pour lesquelles je crois que Dune est complèteme­nt actuel.

Si « le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas », j’ose imaginer qu’André Malraux entrevoyai­t dans sa citation la potentiell­e désacralis­ation du monde naturel par l’exacerbati­on hypnotique d’un capitalism­e sauvage. Tout s’achète désormais, même les conscience­s. Ce système est surpuissan­t, impitoyabl­e, tricheur, aux relents colonialis­tes, engendrant même parfois des entités corporativ­es psychopath­es. Bref, ce système est harkonnen. Et pour le renverser, il nous faudra peut-être suivre les pas du Muad’Dib.

Le roman voit le jour en 1957, alors que Frank Herbert survole des bancs de sable bordant les côtes de l’Oregon. Il est venu pour écrire un article sur une

expérience écologique : une espèce d’herbe a été introduite pour freiner la propagatio­n des dunes. De la puissance de la nature et de l’effort humain pour tenter de la maîtriser vient de naître un élan qui va animer sa création.

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