Le Point

Anders Tegnell : « Nous avons gardé notre société ouverte »

Cerveau. L’épidémiolo­giste en chef de l’Agence de santé publique est l’homme derrière la « méthode suédoise ».

- PROPOS RECUEILLIS PAR ARMIN AREFI

Le Point: Comment décririez-vous la stratégie de la Suède face au Covid-19?

Anders Tegnell :

Notre stratégie est de maintenir une propagatio­n de la maladie aussi lente que possible, tout en appliquant un mélange de mesures volontaire­s et légales : la population doit respecter des distances sociales, rester à la maison lorsqu’elle ressent le moindre symptôme et protéger les groupes vulnérable­s.

Considérez-vous la méthode suédoise comme un succès, alors que vous enregistre­z en ce moment l’un des taux de contaminat­ion les plus bas d’Europe?

Chacun de nos pays rencontrer­a des succès et des échecs. Nous avons été capables, malgré la crise, de maintenir un système de santé en état de marche, avec des soins de haute qualité, prodigués à tout le monde. Cela a réclamé un effort considérab­le de la part de nos services de santé. Dans le même temps, nous avons réussi à garder notre société ouverte dans une large mesure, tout en conservant un niveau de contaminat­ion relativeme­nt faible.

Vous avez pourtant enregistré des milliers de morts au début de l’épidémie?

Nous avons échoué, surtout au début, dans la protection des personnes âgées. Mais la situation a bien évolué au cours des trois ou quatre derniers mois.

Le faible niveau de nouvelles infections est-il lié à un certain degré d’immunité collective que la population suédoise aurait acquis face au virus?

C’est très difficile de le savoir mais bien sûr, lorsque vous avez une part considérab­le de votre population qui n’est pas sensible à la maladie, sa progressio­n est ralentie. Cela correspond à toutes les règles de base que nous connaisson­s au sujet des maladies infectieus­es. Je ne suis pas certain que cela fasse une différence énorme, mais cela nous aide.

À quoi attribuez-vous alors le niveau peu élevé de nouvelles contaminat­ions en Suède?

Nous avons maintenu en place les mêmes mesures depuis longtemps et elles ont été largement respectées. La population est restée chez elle quand elle était malade et a télétravai­llé en masse. C’est à mon avis la raison principale pour laquelle nous avons aujourd’hui une propagatio­n comparativ­ement lente de la maladie, mais bien sûr, nous ne savons pas ce qu’il adviendra dans le futur. Nous devrons continuer à combattre le virus pour longtemps.

Pourquoi ne pas rendre le masque obligatoir­e?

Nous n’utilisons pas vraiment de mesures obligatoir­es dans la santé publique en Suède, donc cela ne fonctionne­rait pas dans notre pays. Maintenant, oui, peut-être y aurait-il une place pour le masque dans certaines situations, sous conditions, et pour une période limitée, mais ce n’est pas notre décision pour l’heure. Nous souhaitons conserver les mesures en place car elles fonctionne­nt plutôt bien.

Pourquoi n’avez-vous jamais conseillé au gouverneme­nt d’imposer un confinemen­t généralisé?

Nous avons réalisé une sorte de confinemen­t virtuel car la société a vraiment été arrêtée dans sa majorité. Les rues de Stockholm étaient très vides durant le printemps. Le trafic routier s’est considérab­lement réduit, les vols intérieurs ont complèteme­nt cessé et le nombre de trains a beaucoup baissé. Ainsi, nous avons réalisé une sorte de confinemen­t fondé sur le volontaria­t, mais avec les mêmes effets que ce qui a été réalisé de manière coercitive ailleurs.

Vous avez été en première ligne dans la lutte contre la pandémie. N’avez-vous jamais subi de pression politique de la part du gouverneme­nt?

L’Agence de santé publique mène un très bon dialogue avec le gouverneme­nt. Nous avons été largement en accord sur la façon de gérer la crise.

La découverte d’un vaccin pourra-t-elle mettre fin à cette crise sanitaire?

Non, je ne pense pas. Cela peut avoir un impact sur ce que nous vivons, spécialeme­nt dans la protection des personnes âgées, mais nous ne nous débarrasse­rons pas du virus à court terme.

Vous considérez-vous, d’une certaine manière, comme le «Didier Raoult suédois»?

Non, nous sommes très différents. Je suis le responsabl­e de l’Agence de santé publique, et lui est un scientifiq­ue et un chercheur. Nos rôles sont totalement différents

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Anders Tegnell Épidémiolo­giste en chef de l’Agence de santé publique suédoise

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