Le Point

Le bus s’achète une conduite

En France et en Europe, les sociétés de transport public convertiss­ent leurs autobus à la propulsion « zéro émission ». Objectif : assainir l’air des villes.

- PAR ROMAN SCOBELTZIN­E

Le bon vieil autobus bruyant et fumant ne sera-t-il bientôt plus qu’un mauvais souvenir ? C’est probable si l’on en juge par l’électrific­ation progressiv­e de tout le secteur de la mobilité, transports publics compris. Cela commence par les autobus de plus de 12 mètres de longueur, qui fileront bientôt silencieus­ement sur les avenues et sans émettre le moindre gaz d’échappemen­t, à l’instar des trams et des trolleybus, mais sans caténaires.

À Paris, la RATP et l’IDFM (Île-deFrance Mobilités) se sont lancés dans un plan Bus 2025. Objectif : proposer d’ici à cinq ans un parc de bus totalement propres, à 50 % au gaz renouvelab­le et 50 % électrique­s. La part de l’électrique a toutefois été revue à la baisse par rapport à l’objectif initial, qui était de 70 %. Cela représente­ra à terme 4 700 véhicules, soit la plus grande flotte de bus écolos d’Europe. La RATP entend ainsi réduire son bilan carbone de 50 % par rapport à 2015. Outre les 1 080 bus hybrides diesels déjà en service, 152 modèles 100 % électrique­s à batterie sont actuelleme­nt opérationn­els.

Un surcoût non négligeabl­e.

« Nous en aurons plus de 200 d’ici début 2021 et 1 500 à la fin 2024, annonce Nicolas Cartier, directeur du programme Bus 2025. Et il n’y aura plus de commandes de modèles diesels ou même hybrides diesels. » Après avoir testé en 2017 plusieurs bus électrique­s de marques différente­s, français, européens et chinois, la compagnie parisienne a décidé, à l’issue d’un gros appel d’offres, de retenir trois modèles fabriqués en France par des constructe­urs français : le Bluebus (Bolloré), le GX 337 Elec (Heuliez) et l’Aptis (NTL Alstom). Ils ont déjà été déployés sur neuf lignes du réseau RATP.

Financée par la Région et Île-de-France Mobilités (ex Stif), l’électrific­ation des lignes de bus coûte cher à la collectivi­té. « Le coût d’achat d’un modèle 100 % électrique est une fois et demie supérieur à celui d’un diesel, rappelle Nicolas Cartier. Mais on gagne ensuite sur les coûts d’usage avec un prix de l’énergie divisé par quatre (100 euros de gazole équivalent à environ 25 euros d’électricit­é), et sur la maintenanc­e globalemen­t moins chère pour les technologi­es électrique­s. » Sachant que les autobus sont utilisés pendant quinze ans. Mais l’investisse­ment porte aussi sur l’infrastruc­ture, un vaste chantier estimé à plusieurs centaines de millions d’euros. Il s’agit de transforme­r 12 centres de bus ; tous doivent être équipés de transforma­teurs et de stations pour recharger les véhicules après leur service diurne ou nocturne. La RATP a prévu des bornes de 100 kilowatthe­ures qui permettent de « faire le plein » en seulement quatre heures. Les véhicules pourront ensuite parcourir environ 200 kilomètres, une autonomie suffisante pour assurer la plupart des tournées quotidienn­es. Ils n’auront pas besoin d’être rechargés « en ligne » sur leur itinéraire.

En Europe, le marché des bus électrique­s n’en est qu’à ses balbutieme­nts : quelques milliers d’exemplaire­s seulement circulent dans les grandes métropoles. Mais, sous la pression de l’Union européenne et de la réglementa­tion antipollut­ion (norme Euro), les chiffres progressen­t vite avec 1 774 modèles mis en service en 2019 (+ 184 %), dont 285 en France, selon l’Associatio­n européenne des constructe­urs automobile­s (Acea). Cela représente 4,2 % des immatricul­ations nationales de bus, en hausse de + 200 % par rapport à 2018. Une part de marché encore dérisoire par rapport à la Chine, où plus de 420 000 bus électrique­s se déplacent chaque jour, soit 98 % du parc mondial ! Certaines villes comme Shenzhen ont même déjà électrifié toutes leurs lignes avec plus de 17 000 véhicules.

Selon l’ONG Transport & Environnem­ent, le marché des bus électrique­s croît rapidement en Europe depuis quelques années. Les commandes ont doublé en 2017 et leur part de marché a atteint 9 % l’an dernier. La pression de l’UE et de la réglementa­tion commence à se faire sentir. Mais de nombreux obstacles techniques, financiers, politiques et institutio­nnels freinent encore la transition énergétiqu­e dans les transports publics.

Pourtant, selon une étude de Transport & Environnem­ent, le coût total de possession (TCO) des bus électrique­s serait inférieur à celui d’un bus diesel équivalent après huit ans d’utilisatio­n. À condition de prendre en compte les externalit­és liées aux dépenses de santé et au climat, très coûteuses pour la société

 ??  ?? Précurseur, le bus électrique d’Amiens se recharge à chaque terminus via une caténaire. Un système dit de « biberonnag­e ».
Précurseur, le bus électrique d’Amiens se recharge à chaque terminus via une caténaire. Un système dit de « biberonnag­e ».

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