Covid : les conseils des recruteurs
Six experts vous délivrent leurs astuces pour entrer dans le monde professionnel en cette période incertaine.
Du rallongement de la durée d’obtention des contrats à l’impactsurlesrémunérations, les étudiants et jeunes diplômés sont les premières victimes du Covid-19 en matière d’embauche. La pandémie aura-t-elle aussi la peau de l’emploi des aspirants cadres ? « Il reste des postes et des stages non pourvus, des secteurs qui résistent, tempère Laurence BretonKueny, vice-présidente de l’Association nationale des DRH. D’après notre dernière enquête, 45 % des entreprises ont des difficultés à recruter pour des besoins à pourvoir d’ici à 2021. » Le Point vous livre les conseils de six spécialistes du recrutement pour arriver à vos fins.
Élargissez vos horizons
Contrairement à ce qu’on croit, la crise sanitaire a dopé certains secteurs. C’est le cas, notamment, de la grande distribution, de la santé et de l’environnement, à travers les métiers de qualité et sécurité, des services à domicile, de l’e-commerce. En mettant en avant l’importance d’un fonctionnement dématérialisé optimal, le confinement a aussi propulsé le numérique sur le devant de la scène.
Plutôt que de vous accrocher désespérément à un périmètre en berne, ouvrez-vous aux domaines bien portants. « Hors contexte de crise, nous incitons nos étudiants à faire preuve de curiosité pour découvrir des carrières auxquelles ils n’auraient pas pensé : c’est encore plus vrai en ce moment», affirme Laurence Flinois, directrice du pôle carrières de Montpellier Business School.
De la même façon, n’ayez pas peur de regarder au-delà de votre environnement proche. « Il y a des entreprises florissantes sur tout le territoire qui ont traditionnellement du mal à attirer les profils haut de gamme », considère Laurent Ploquin, directeur du CFA de l’Essec.
Autre recommandation, considérez tous les types d’entreprises. « Le champ de recherche est souvent trop étroit : si l’on veut travailler dans l’eau, il n’y a pas que Veolia. Le tissu des PME, des TPE et des collectivités locales a des besoins auxquels on ne pense pas assez », souligne Laurence Breton-Kueny.
Enfin, ne restez pas cramponné au sacro-saint CDI. La qualité de la mission prime sur un contrat pérenne, et certains CDD ou VTE pourront être plus facilement valorisés. « Il faut privilégier un poste où l’on s’épanouit, ou qui correspond parfaitement à ce qu’on souhaite, quitte à ce qu’il ne dure que six mois », juge Laurence Flinois.
Ne renoncez pas systématiquement à votre vocation
Évidemment, l’événementiel, l’hôtellerie-restauration, le tourisme, les transports ne sont pas à la fête. Pourtant, vous ne pouvez vous résoudre à renoncer à votre rêve de travailler dans l’hôtellerie ? Dans ce cas, il existe des solutions. Premier conseil, éloignez-vous un temps du coeur du secteur convoité pour viser des activités connexes. « Le candidat doit réfléchir par cousinage. Un apprenti en hôtellerie a, par exemple, toutes les compétences requises pour devenir opérateur dans les maisons de seniors, où la demande est forte », note Laurent Ploquin. Il sera toujours possible plus tard de valoriser une expérience proche de son expertise. « On pourra se repositionner en mettant en avant une expérience cohérente et sa capacité d’adaptation », insiste Jérôme Troïano, responsable carrières à l’Edhec.
Si sinistré soit-il, chaque secteur possède des niches en bonne santé. «Il faut regarder les entreprises qui proposent une offre de rupture, une innovation qui les rend compétitives, propose Laurent Blanchard, directeur chez PageGroup, cabinet de recrutement. La start-up Tallano, qui récupère les particules polluantes émises par les disques de frein, a beau faire partie du secteur des transports, elle est en ascension. » Même chose pour les tendances de long terme. « Il existe des sociétés positionnées sur des enjeux transversaux qui fonctionnent quel que soit le secteur, comme la transition écologique », suggère Jérôme Troïano.
Prenez le temps de la réflexion
Ne vous laissez pas gagner par le stress inhérent au contexte actuel. Pas la peine d’inonder la toile de candidatures. Mieux vaut cibler les annonces qui correspondent à votre expertise pour ne pas vous épuiser inutilement. Bref, plutôt que d’envoyer 150 CV par semaine, visez juste. «Il est fondamental de cibler les bonnes personnes à contacter et les offres adaptées à son parcours. On doit éviter d’accepter une proposition dans la précipitation et patienter en attendant de trouver celle qui vous correspond », conseille
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Pas la peine d’inonder la toile de candidatures. Mieux vaut cibler les annonces qui correspondent à votre expertise.
Xavier Révérand, directeur ■ de l’école Cesi.
Ne vous laissez pas non plus aveugler par les offres en apparence alléchantes : les postes entièrement en télétravail, les jeunes pousses prometteuses mais encore fragiles financièrement, les start-up dont les membres n’ont pas l’expérience nécessaire pour enrichir vos compétences et privilégient la polyvalence sont à éviter. N’ayez pas peur de dire non et de prendre le temps de la réflexion. « Là où personne ne comprendrait d’habitude qu’un bac + 5 mette un an à trouver, dans ce contexte le regard des entreprises change : si on peut se le permettre, se laisser six mois n’est pas déraisonnable », rassure Laurent Blanchard.
Restez actif
Pas question de demeurer planté sur son canapé à attendre le poste idéal. « Il faut établir un emploi du temps journalier, considère
Laurence Breton-Kueny. Un tableau de bord qui recense qui on a contacté, qui on a relancé, et quand. Une fois les heures de recherche terminées, il ne faut pas s’arrêter. Le temps compliqué ne doit pas être du temps vide : la priorité est de ne pas avoir de trou dans son CV, de garder une existence professionnelle. »
D’abord en effectuant des missions proches de l’univers professionnel. Service civique, bénévolat, soutien scolaire, association étudiante… Même non rémunératrice, toute occupation est bonne à prendre pour enrichir ses compétences et montrer son dynamisme et sa réactivité.
Ensuite en profitant du temps libre pour apprendre. Formation rapide à un logiciel ou certification validant une compétence rare et pointue, année de spécialisation ou doctorat, qu’il s’agisse d’ajouter une simple corde à son arc ou de se réorienter totalement vers un métier en tension, tout est envisageable pour augmenter son champ d’expertise.
Enfin en soignant son réseau. Inutile d’aller frapper là où on ne vous ouvrira pas. Si votre spécialité n’est pas porteuse, ne contactez pas les diplômés de votre programme mais l’ensemble des anciens de votre école. « Profiter d’une communauté forte permet d’identifier des offres cachées », assure Jérôme Troïano. N’hésitez pas à solliciter les intervenants dans les conférences ou salons en ligne auxquels vous participez.
N’oubliez pas de fréquenter les sites professionnels et les réseaux sociaux : pourquoi ne pas profiter du temps d’attente pour écrire un article sur Linkedin ? Ou pour communiquer avec des communautés proches de votre spécialisation ?
Sortez du lot
Après l’immobilisme de la période de confinement, l’effet de rattrapage rend la concurrence encore plus rude. « Avec plus de candidats pour un même poste, il faut arriver à se différencier », certifie Laurent Blanchard. Premier impératif pour tirer son épingle du
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Laurent Blanchard, directeur chez PageGroup
« Dans une lettre de motivation, il faut donner un élément différenciant, une actualité qu’on a repérée, et s’en servir d’accroche pour capter l’attention. »
Jérôme Troïano, directeur carrière à l’Edhec
« Il existe des sociétés positionnées sur des enjeux transversaux qui fonctionnent quel que soit le secteur, comme la transition écologique. »
Ne vous laissez pas aveugler par les offres en apparence alléchantes. N’ayez pas peur de dire non et de prendre le temps de la réflexion.
Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH
« Le temps compliqué ne doit pas être du temps vide : la priorité est de ne pas avoir de trous dans son CV, de garder une existence professionnelle. »
jeu, travailler son CV et sa ■ lettre de motivation. Traquez les fautes de français, soignez la présentation et rédigez des demandes sur mesure pour chaque entreprise.
« Il faut se renseigner sur l’entreprise, ne pas se contenter d’informations au premier degré. Trouver un élément différenciant, une actualité qu’on a repérée, et s’en servir d’accroche pour capter l’attention. On peut aussi montrer qu’on a réfléchi au-delà de l’entreprise, en analysant le marché et en faisant des prescriptions pour se positionner en professionnel », recommande Laurent Blanchard.
Plutôt que de vous borner à éplucher les annonces, ne négligez pas les candidatures spontanées. Il existe d’ailleurs des CVthèques où l’on peut laisser son CV et dans lesquels les entreprises viennent piocher : « On ne peut pas être au courant de toutes les offres, estime Laurence Breton-Kueny.
Un CV reçu au moment où un recruteur commence sa recherche peut emporter la mise parce qu’il est tombé au bon moment. »
Exercez-vous à l’entretien
Depuis le confinement, le premier entretien se fait presque toujours à distance. Autant en maîtriser les spécificités. Première étape, vérifier votre équipement pour éviter tout problème technique susceptible de vous déstabiliser. La connexion fonctionne-t-elle correctement ? La caméra est-elle stable ? La pièce où l’on s’installe est-elle calme et professionnelle ?
Ensuite, soignez la forme. « Il faut s’entraîner, si possible avec un tiers, puis regarder le résultat pour apprendre à se positionner par rapport à la caméra et éviter d’avoir un quart de tête invisible, savoir fixer son regard, penser à sourire, bannir les tics de langage, accentués en distanciel », énumère Xavier Révérand.
Même si le bas de votre corps n’est pas filmé, habillez-vous comme pour un entretien classique, pour vous mettre en condition. « Préparer un support, comme un PowerPoint, peut aussi faire la différence, en montrant une attitude déjà professionnelle », complète Laurent Blanchard.
Mais ne négligez pas pour autant le fond. « En contexte de crise, il faut avoir un discours encore plus argumenté, conseille Laurence Flinois. On doit montrer les points saillants de son parcours et de ses compétences, ce qui suppose d’avoir travaillé sur soi. » L’idée : rassurer son interlocuteur dans ce contexte anxiogène. « Il est indispensable de faire des ponts avec ses expériences professionnelles pour prouver qu’on sera immédiatement opérationnel, suggère Laurent Blanchard. Il est aussi nécessaire de mettre en avant ses compétences douces, en passant un test qui les détaille. Aujourd’hui plus qu’hier, alors que les compétences techniques sont rapidement obsolètes, on est à la recherche de gens adaptables à leur environnement, à des outils qui n’existent pas encore, capables de résoudre des problèmes, de travailler en équipe. »
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Laurent Ploquin, directeur du CFA de l’Essec
« Il y a des entreprises florissantes sur tout le territoire qui ont traditionnellement du mal à attirer les profils haut de gamme. »
Laurence Flinois, directrice carrière de MBS
« Il faut privilégier un poste où l’on s’épanouit, ou qui correspond parfaitement à ce que l’on souhaite, quitte à ce qu’il ne dure que six mois. »
Depuis le confinement, le premier entretien se fait presque toujours à distance. Autant en maîtriser les spécificités.
Xavier Révérand, directeur de Cesi
« Il faut s’entraîner à l’entretien en ligne pour apprendre à se positionner par rapport à la caméra et bannir les tics de langage, accentués en distanciel. »