Le Point

« Tu parles mal des filles/Parce qu’au fond t’as la trique/Parce qu’au fond tu enrages. »

Mila, dans une des chansons qu’elle a composées

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Le 3 février, Mila assume ses propos à la télé

La dernière fois que la jeune fille a parlé à un journalist­e, c’était à Yann Barthès dans son émission Quotidien (TMC). « Je ne regrette absolument pas mes propos, c’était vraiment ma pensée, assume-t-elle alors calmement. Je m’excuse un petit peu pour les personnes que j’ai pu blesser et qui pratiquent leur religion en paix. Et elle ajoute: Je n’ai jamais voulu viser des êtres humains, j’ai voulu blasphémer, parler d’une religion, dire ce que je pensais. »

La veille, sur France 3, Ségolène Royal avait critiqué son « manque de respect » et avait refusé de l’« ériger en parangon de la liberté d’expression ». « Avec ses mots d’adolescent­e, tout est dit sur le droit au blasphème. C’est remarquabl­e de maturité », la défend Me Malka. Visiblemen­t intimidée dans son sweat mauve, Mila assure, chez Yann Barthès, ne pas avoir mesuré l’ampleur que ses propos allaient prendre « sur les réseaux » ; elle dit regretter la « vulgarité » des mots employés.

Depuis, la jeune fille se terre et se tait

Elle est en liberté surveillée, comme si la délinquant­e, c’était elle. Ses parents considèren­t que c’est le prix à payer pour sa sécurité mais aussi pour celle de ses proches. « À tout moment, ça peut reflamber », redoutent-ils. Quand un établissem­ent a fini par accepter d’accueillir leur fille en internat, ils ont signé un papier dans lequel ils s’engageaien­t à ne pas s’exprimer publiqueme­nt. « Un engagement moral », précise la mère. « Mila peut s’exprimer, notre responsabi­lité était de la mettre à l’abri pour qu’elle puisse continuer à étudier en sécurité », assure-t-on dans l’entourage du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Celui-ci ne veut pas s’exprimer. Certains proches le disent « embarrassé », « mal à l’aise » sur cette affaire. « N’est-on pas en train de faire marche arrière pour rejoindre les pays où les Lumières n’ont pas pénétré ? s’inquiète la philosophe Élisabeth Badinter (lire p. 58). Si on cède sur le droit au blasphème, c’est la fin du droit à la parole. »

« On se tait mais on ne laisse rien passer, assure la mère de Mila. On ira en justice aussi souvent que nécessaire, on agit de cette façon en tant que parents. » Leur avocat dénonce « le silence assourdiss­ant des associatio­ns ». « Où est la Ligue des droits de l’homme? Où est le collectif #NousToutes ? Une jeune femme de 17 ans, lesbienne, est menacée de mort pour avoir critiqué la religion. Que leur faut-il de plus pour réagir ? »

Dans ses chansons, Mila parle d’amour, règle ses comptes avec ceux qui l’agressent (« Tu parles mal des filles/Parce qu’au fond, t’as la trique/Parce qu’au fond, tu enrages ») et crie son désespoir : « Mes rêves se sont brisés, y a des morceaux un peu partout/Je vis effrayée par vos yeux, qui m’observent jour et nuit. » Bruno, l’ami fidèle, dit que le plus dur pour elle, après la privation de liberté, est de ne plus pouvoir faire connaître ses chansons, ses maquillage­s et ses photos. « C’est une artiste, elle l’était d’ailleurs bien avant que le malheur ne s’abatte sur elle, précise-t-il. Il y a beaucoup de choses qu’elle ne peut plus faire. Quand elle sort, elle est toujours sur ses gardes, elle se cache. Mais ça reste une fille assez incroyable, qui parle vrai, qui assume, qui fait des blagues et veut se battre. Elle a sa signature, Mila. En vrai, c’est une fille stylée. » Cet été, une autre amie lui a écrit : « Est-ce juste de faire porter les droits de l’homme sur tes épaules ? Pas du tout ! » ▪

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Artiste. Outre les chansons qu’elle compose, Mila aime se dessiner et montrer ses oeuvres sur Instagram.

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